11/10/2025 | News release | Distributed by Public on 11/10/2025 12:02
« Leur prolifération est à la fois un symptôme et un moteur des multiples crises de sécurité que traverse notre monde », a déclaré lundi Adedeji Ebo, du bureau de l'ONU pour les questions de désarmement, lors d'un débat du Conseil de sécurité sur la question.
Derrière les armes, c'est toute une économie qui gangrène les zones de conflit. En 2023, les 100 plus grandes entreprises d'armement ont engrangé 632 milliards de dollars, tandis que les dépenses militaires mondiales ont atteint 2 700 milliards, en hausse de 37 % depuis 2015.
Dans le même temps, les violations d'embargos continuent d'alimenter les foyers de guerre - de la Libye au Yémen, en passant par Haïti. « Les armes produites et transférées aujourd'hui risquent d'alimenter le commerce illicite et la violence de demain », a averti M. Ebo, appelant les États à renforcer la gestion des stocks et la traçabilité des armes à feu, y compris grâce aux innovations technologiques comme les traceurs chimiques pour munitions.
Selon un nouveau rapport du Secrétaire général, un milliard d'armes à feu circulent dans le monde. En 2024, les armes légères ont été responsables de près d'un tiers des morts civiles dans les conflits, et 88 % des cas de violences sexuelles liées aux guerres impliquaient une arme à feu.
À plus des milliers de kilomètres des salles feutrées de l'ONU, la réalité de ces armes se mesure à la peur des populations. En Haïti, où la prolifération des armes alimente la terreur quotidienne, le directeur de l'ONG Volontariat pour le Développement d'Haïti (DVH), Arnoux Descardes, a constaté l'inefficacité des mesures internationales : « Le trafic massif d'armes illégales constitue une source de grande préoccupation, malgré l'embargo sur les armes imposé par le Conseil de sécurité de l'ONU depuis 2022 ».
Selon lui, entre 270 000 et 500 000 armes à feu circuleraient dans le pays, dont à peine 45 000 enregistrées. Des chiffres vertigineux dans un État qui ne produit pas d'armes. La conséquence est une spirale d'insécurité où les gangs, mieux armés que la police, dictent leur loi. « Les familles haïtiennes sont aux abois », a-t-il dit. « Les gangs armés et les réseaux de crime organisé occupent la quasi-totalité du territoire. »
Arnoux Descardes plaide pour une réforme du cadre légal, un contrôle strict des frontières et une coopération renforcée avec les pays exportateurs. Sans cela, prévient-il, la violence continuera de « détruire le tissu politique, économique et social » du pays.
Le diagnostic est le même sur le continent africain. « Ces armes sont utilisées pour déchaîner une violence et des souffrances horrifiques dans la région du Darfour », a déclaré Mohamed Ibn Chambas, le haut représentant de l'Union africaine (UA) pour l'initiative « Faire taire les armes ».
Du Sahel aux Grands Lacs, la circulation incontrôlée d'armes alimente les groupes armés et les trafics transfrontaliers. L'UA a mis en place une stratégie continentale 2020-2030 pour harmoniser les politiques, renforcer la gestion des stocks et inclure femmes et jeunes dans les efforts de désarmement.
Des campagnes comme le Mois de l'amnistie africaine, au cours desquelles 30 000 armes et 200 000 munitions ont été détruites, montrent que la coopération régionale peut produire des résultats concrets. Mais, souligne M. Ibn Chambas, la tâche reste immense : « Contrôler la prolifération des armes est une condition préalable à la paix durable et au développement ».
Au-delà des frontières physiques, de nouvelles menaces surgissent dans le cyberespace. L'avancée des technologies a ouvert un marché parallèle où se côtoient imprimantes 3D, forums clandestins et trafics dématérialisés.
« Le commerce illicite des armes n'est pas une menace isolée : il alimente et finance un réseau de crimes transnationaux, du terrorisme au trafic de drogue », a expliqué Roraima Ana Andriani, représentante d'INTERPOL.
L'organisation policière mondiale, forte de 196 membres, coordonne désormais des opérations transfrontalières et gère la base iARMS, qui recense plus de deux millions d'armes perdues ou volées. Ses « opérations Trigger » ont permis de retirer des dizaines de milliers d'armes de la circulation, notamment en Amérique latine, où 9 000 armes et 300 000 munitions ont été saisies récemment.
Pour Mme Andriani, il faut aller plus loin : « La lutte contre le commerce illicite des armes exige une cohérence entre les dimensions diplomatiques et opérationnelles de la sécurité ».
De New York à Port-au-Prince, du Sahel à l'Amazonie, la prolifération des armes légères révèle une faillite collective : celle d'un monde incapable de contenir les flux de métal et de poudre qui nourrissent ses crises. Ces armes, souvent fabriquées légalement, finissent entre les mains de groupes armés, de trafiquants ou de civils désespérés, et transforment les fractures sociales en guerres ouvertes.
Les initiatives existent, mais manquent de moyens et de volonté politique. Comme l'a résumé Adedeji Ebo, « notre responsabilité est claire : prévenir la diversion et la fabrication illicite des armes, ou faire face aux conséquences d'une insécurité qui s'enracine ».
Chaque pistolet récupéré, chaque fusil détruit, chaque frontière surveillée est une victoire invisible. Mais dans un monde saturé d'armes, la paix reste une course contre la montre.