12/23/2025 | Press release | Distributed by Public on 12/23/2025 17:33
Réuni en urgence à la demande du Venezuela pour examiner ce que ce dernier a qualifié d'escalade des tensions résultant de « l'agression américaine » à son encontre, le Conseil de sécurité a entendu, cet après-midi, le Sous-Secrétaire général pour le Moyen-Orient, l'Asie et le Pacifique proposer les bons offices du Secrétaire général de l'ONU « si les deux parties le demandent ».
Brossant un tableau de la situation, M. Khaled Khiari a constaté que la présence et les opérations militaires des États-Unis dans le sud des Caraïbes, au large des côtes vénézuéliennes, se sont intensifiées depuis la dernière discussion du Conseil sur la situation, le 10 octobre, ce qui a exacerbé les tensions entre les deux pays.
Il a précisé que si les États-Unis ont qualifié leur déploiement militaire de « conflit armé non international » contre les cartels de la drogue et le trafic de stupéfiants, invoquant l'Article 51 de la Charte des Nations Unies, le Gouvernement vénézuélien a, lui, estimé que les actions américaines représentent une grave menace pour la paix et la sécurité internationales.
Énumérant lesdites actions, depuis les frappes contre des navires soupçonnés de transporter illégalement de la drogue jusqu'au « blocus aérien » au-dessus du Venezuela et à l'interception d'un pétrolier, en passant par les sanctions imposées à six compagnies maritimes, M. Khiari a indiqué qu'elles ont reçu le soutien de certains alliés régionaux, tandis que d'autres États Membres ont exprimé leur inquiétude face à la militarisation des Caraïbes méridionales et ont souligné l'importance du respect de la souveraineté nationale et du droit international.
Il a ajouté que, face à la détérioration de la situation humanitaire au Venezuela, l'ONU et ses partenaires poursuivent leurs efforts et fournissent une assistance au peuple vénézuélien, notamment grâce aux récentes allocations financières du Fonds central d'intervention d'urgence (CERF) et du Fonds humanitaire pour le Venezuela.
Selon M. Khiari, le Secrétaire général est prêt à appuyer tous les efforts diplomatiques, y compris l'exercice de ses bons offices, si le Venezuela et les États-Unis le demandent. « Il accueille favorablement les initiatives des États Membres, les offres de médiation et les propositions de solutions pacifiques », a souligné le haut fonctionnaire, rappelant que, le 17 décembre, à sa demande, le Président Maduro s'est entretenu par téléphone avec le Secrétaire général.
Face à ce qu'il a qualifié de « crime d'agression gigantesque », le représentant du Venezuela a accusé les États-Unis de vouloir annexer son pays en exigeant qu'il lui cède ses terres, son pétrole et ses minéraux. Il a également souhaité « alerter le monde »: le Venezuela n'est, selon lui, que « la première cible d'un plan plus vaste ».
Pour le délégué, les « meurtres » commis en mer des Caraïbes et dans l'océan Pacifique par le Gouvernement américain au cours des derniers mois constituent la première preuve de ce plan visant à imposer son pouvoir dans la région par des actes terroristes.
S'élevant contre l'invocation par les États-Unis de l'Article 51 de la Charte des Nations Unies pour justifier le terrorisme contre des civils sous couvert de légitime défense, il y a vu une « distorsion perverse du droit », visant à transformer de petits bateaux non armés en prétendus auteurs d'une attaque avec des « armes de destruction massive ». Il s'agit d'exécutions extrajudiciaires, d'homicides volontaires commis par une force militaire contre des civils non armés, a-t-il tranché.
S'agissant des attaques subies par des pétroliers vénézuéliens, le représentant a parlé d'une « utilisation illégale de la force étatique pour commettre des vols en haute mer », jugeant que, par ces actes, les États-Unis violent le droit du Venezuela de commercer légalement avec le monde et cherchent à priver tous les pays du droit de commercer avec lui.
Ajoutés à la décision de l'Administration Trump de déclarer l'espace aérien vénézuélien « complètement fermé », ces actions ont pour but de « provoquer une confrontation directe », a-t-il mis en garde, avant de dénoncer les opérations de désinformation menées par le Gouvernement américain pour justifier son agression contre le Venezuela et contre son Président Nicolás Maduro.
Face à ces agissements, il a exigé du Conseil de sécurité qu'il condamne explicitement cette agression et prenne les mesures nécessaires pour que le Gouvernement américain retire ses forces militaires, mette fin à l'usage de la force et lève le blocus unilatéral qu'il a imposé au Venezuela. Il a également réclamé qu'un processus de reddition de comptes soit engagé pour punir ces actes et empêcher leur répétition.
Le représentant des États-Unis a, lui, réaffirmé que son pays ne reconnaît pas Nicolás Maduro et ses « sbires » comme le gouvernement légitime du Venezuela, qualifiant le Président de ce pays de « fugitif cherchant à échapper à la justice américaine » et l'accusant d'être à la tête de l'organisation criminelle connue sous le nom de Cartel de los Soles.
Le régime de Maduro a volé les élections et la communauté internationale « en détient la preuve », a-t-il martelé, déclarant que le Président Trump entend « utiliser toute la puissance des États-Unis pour s'attaquer aux cartels de la drogue et les éradiquer ».
Selon le délégué américain, la plus grave menace pesant sur l'hémisphère, la région et les États-Unis demeure celle des groupes criminels transnationaux. Ces cartels, a-t-il souligné, disposent de capacités techniques sophistiquées, de financements importants et sèment le chaos dans l'ensemble de la région.
À cet égard, le représentant a relevé que, dans son rapport 2025, l'Office des Nations contre la drogue et le crime (ONUDC) a identifié le Venezuela comme l'une des principales voies de transit des drogues illicites dans l'hémisphère occidental, ainsi que comme un point de départ d'articles illicites à destination des États-Unis et de l'Europe. La capacité qu'a le régime de Maduro de vendre le pétrole vénézuélien lui permet de s'accrocher au pouvoir et de mener ses activités narcoterroristes, a-t-il dénoncé, estimant que « le peuple vénézuélien mérite mieux ».
Reprenant la parole en fin de réunion, il a néanmoins affirmé que les États-Unis sont déterminés à ramener la stabilité et la sécurité dans la région, en « partenariat » avec tous les pays disposés à travailler avec eux sur ces enjeux.
Les arguments avancés par la délégation américaine pour justifier ses actions ont été balayés par la Fédération de Russie, qui les a jugés « infondés et incompatibles avec le droit international ». La déclaration du Président Trump du 16 décembre ne nécessite aucune interprétation supplémentaire, a pointé le représentant russe: il s'agit, selon lui, d'une « revendication directe des ressources naturelles et des richesses souterraines d'un autre État », ainsi que d'une « pression politico-militaire et économique ouverte visant à renverser un régime jugé indésirable ».
Les mesures américaines empiètent sur la souveraineté, la sécurité, la paix et les droits légitimes d'autres pays en particulier en Amérique latine et dans les Caraïbes, a renchéri la Chine, qui a exhorté les États-Unis à entendre l'appel de la communauté internationale, à éviter toute escalade supplémentaire et à respecter la navigation maritime internationale.
La militarisation de la région des Caraïbes a suscité des appels à la retenue, au dialogue, et à la diplomatie de la part de pays de la région, notamment du Brésil. La Colombie a, pour sa part, appelé à renforcer la coopération et la coordination régionales et internationales en matière de lutte contre la drogue, sur la base de la responsabilité commune et partagée et des instruments juridiques existants, afin de garantir un environnement sûr et stable.
Le Chili a, lui, condamné toute action armée risquant d'hypothéquer la stabilité et la paix dans la région, même s'il ne reconnaît pas la légitimité du régime Maduro. Le Panama a adopté une position semblable, non sans arguer que toute action affectant la liberté de navigation ou la stabilité des océans doit respecter le droit international. Sur ce point, le représentant a souligné que la neutralité du canal de Panama est une garantie fondamentale de libre transit et de stabilité mondiale. « Nous la préserverons comme pilier de la paix », a-t-il assuré.
De son côté, l'Argentine a salué les pressions exercées par les États-Unis pour « libérer le peuple vénézuélien ». La liberté et la stabilité des pays de la région sont constamment menacées par le trafic de drogue, le terrorisme et la criminalité transnationale organisée, a-t-elle fait valoir, observant que ces réseaux se maintiennent et s'étendent grâce à la protection, la complicité et la collusion de dictatures, « comme celle actuellement au pouvoir au Venezuela ».
Dans la même veine, le Paraguay a rappelé que la crise migratoire et sécuritaire du Venezuela met à rude épreuve la capacité de réponse des États et la stabilité de l'ensemble de la région. Il a affirmé que la souffrance du peuple vénézuélien résulte des actions du régime en place et non de facteurs externes. Le rétablissement de l'ordre démocratique et l'entrée en fonctions d'autorités légitimement élues constituent une condition essentielle de justice et de stabilité régionale, a souligné son représentant.
Le Guyana s'est, quant à lui, indigné de la violation du droit international, y compris des ordonnances expresses de la Cour internationale de Justice, par le Venezuela lorsque ce dernier a prétendument annexé illégalement plus des deux tiers du territoire souverain guyanien, par décret présidentiel et par voie législative.
Soucieux de voir l'Amérique latine rester une « zone de paix », le Chili a condamné tout déploiement militaire dans les Caraïbes et toute action armée de nature à déstabiliser la région. Déniant à son tour toute légitimité au Gouvernement Maduro, il a mis en garde contre les graves conséquences humanitaires d'une escalade armée, la situation actuelle ayant d'ores et déjà provoqué une crise de l'accueil des déplacés vénézuéliens.
Enfin, reprenant la proposition présentée par M. Khiari, le Mexique a invité le Secrétaire général à user de ses bons offices afin de contribuer à la désescalade des tensions et de créer les conditions d'une solution pacifique, durable et conforme au droit international. Il a également indiqué que sa Présidente, Mme Claudia Sheinbaum, est disposée à appuyer, à la demande des parties, tout effort de facilitation du dialogue, de médiation ou d'accompagnement visant à préserver la paix régionale.
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