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09/09/2025 | News release | Distributed by Public on 09/09/2025 04:39

Ces œuvres que l’on croyait perdues : le feuilleton des redécouvertes de l’année [09/09/2025]

Un bronze mythique caché sous un drap, un dessin de Dalí exhumé d'un vide-grenier, une toile de Turner vendue par erreur pour 500 dollars… Le marché de l'art raffole de ces coups de théâtre. Chaque réapparition inattendue ranime la fièvre des collectionneurs et transforme une vente en véritable épisode de feuilleton. Artprice lève le voile sur la série des (re)découvertes de l'année.

Lorsqu'une œuvre longtemps perdue refait surface, c'est un double choc : l'histoire de l'art s'enrichit en un instant et le coup de projecteur médiatique embrase les passions.

Certaines redécouvertes créent des pics d'adrénaline : mises à prix modestes, elles finissent en batailles homériques. Artprice lève le voile sur les œuvres oubliées qui ont électrisé le marché cette année et sur le cocktail d'éléments - historiques, esthétiques et stratégiques - capable de transformer en bras de fer ou en combat.

Sommaire

Des trésors anciens qui redéfinissent histoire et marché

Un Turner acheté 500 dollars change la donne

Klimt, Magritte, Claudel, Vlaminck dans les trésors oubliés de collections privées

À suivre… Salvador Dali et Guido Reni

Des trésors anciens qui redéfinissent histoire et marché

Les redécouvertes créent un sentiment d'urgence et de rareté, propulsant les enchères bien au-delà des estimations. L'exemple le plus emblématique reste celui du Massacre des Innocents, chef-d'œuvre de jeunesse de Rubens resté caché près de 250 ans. Réattribué et porté sur le devant de la scène par George Gordon, Coprésident du département des peintures et dessins anciens de Sotheby's monde, le tableau s'envole à 76,7 m$ en 2002. Plus de vingt ans plus tard, ce record demeure inégalé pour une œuvre redécouverte.

À (re)découvrir :The Rediscovery of Rubens' The Massacre of the Innocents. Un podcast de Sotheby's avec George Gordon

En 2025, les redécouvertes d'œuvres anciennes abondent, preuve que le patient travail des inventaires, des successions et des experts alimente sans cesse le marché.

En France, une étude de lions de Delacroix (image ci-contre), restée plus d'un siècle dans la même famille, a refait surface en juillet. Expertisée par le cabinet Turquinpour Maître Malo de Lussac, son pedigree minutieusement reconstitué a mené à une adjudication remarquée chez Daguerre.

Le mois suivant, la Nature morte aux financiers de Lubin BAUGIN (1612/13-1663) (1610-1663), retrouvée lors d'un inventaire parisien, a créé l'événement chez Vichy Enchères : vendue 515 000 $, plus du double de son estimation, elle s'impose comme la cinquième nature morte connue de l'artiste et la première à réapparaître depuis 70 ans.

De l'autre côté de la Manche, Sotheby's Londres a dévoilé d'autres trésors : un tableau de jeunesse de Edwin Henry LANDSEER (1802-1873),envolé à 142 000 $ (+75 % au-dessus de l'estimation haute), et une toile majeure de Diana de Rosa, vendue 433 000 $. Autant de découvertes qui rappellent que l'histoire de l'art s'écrit encore sous nos yeux, et que "l'effet redécouverte" est l'un des meilleurs stimulants du marché.

Diana de Rosa : une prodige baroque enfin réhabilitée

Arrêtons-nous sur un cas exemplaire : une Salomé de Diana de Rosa (image ci-contre), longtemps restée dans l'ombre des chercheurs. Cette toile saisissante, où l'héroïne présente la tête de Saint Jean-Baptiste, a créé la surprise début juillet. Annoncée autour de 100 000 $, elle a finalement atteint 433 000 $ - soit quatre fois les attentes - et offert à l'artiste napolitaine un nouveau sommet, pulvérisant son précédent record de 190 500 $ en 2021.

Cette percée dépasse le simple résultat de vente. Elle remet en lumière une figure féminine majeure du baroque napolitain, digne héritière du caravagisme et contemporaine d'Artemisia GENTILESCHI (1593-c.1654). Dans une époque où les femmes artistes sont marginalisées, De Rosa obtient des permissions exceptionnelles pour peindre dans les églises et parvient à imposer sa signature dans un univers dominé par les hommes.

Avec la redécouverte de cette Salomé, l'histoire de l'art s'enrichit d'une page oubliée et le marché consacre enfin le talent de cette prodige baroque trop longtemps éclipsée.

Un Turner acheté 500 dollars change la donne

Plus haut encore que le magistral tableau de Diana de Rosa, La Bourrasque montante, toile oubliée de Turner précédemment achetée 500 dollars a fait vibrer le marché. Peinte en 1792 par un Turner de 17 ans encore élève à la Royal Academy, avait disparu des radars depuis 150 ans. L'an passé, elle passait pourtant en salle des ventes pour 506 $, attribuée par erreur à un obscur disciple de Jules César Ibbetson. Ce n'est qu'au détour d'un nettoyage que la signature du maître est apparue, révélant la véritable identité de l'auteur et l'importance de ce jalon dans l'évolution de son style. Mise en vente le 2 juillet chez Sotheby's, à l'occasion du 250e anniversaire de Turner, la toile a pulvérisé son estimation (270 000 - 410 000 $) pour atteindre 2,5 millions. Une envolée justifiée, selon le spécialiste Julian Gascoigne, par le fait qu'elle bouleverse considérablement ce que nous pensions savoir des premières œuvres de Turner et de l'évolution de sa technique.

"Cela bouleverse considérablement ce que nous savons, ou pensions savoir, des premières œuvres de Turner et notre compréhension de l'évolution de sa technique et de son style."

Julian Gascoigne dans "L'un des premiers tableaux de JMW Turner redécouvert après 150 ans", The Guardian, 6 juin 2025

Joseph Mallord William TURNER (1775-1851)

The Rising Squall, Hot Wells, from St Vincent's Rock, Bristol. Huile/toile, 59,8 x 74 cm

Sotheby's Londres, 02/07/2025. Estimation: 272 700 $ - 409 000 $. Prix : 2,55 m$

Klimt, Magritte, Claudel, Vlaminck dans les trésors oubliés de collections privées

Chaque redécouverte est une enquête savante, mobilisant recherche et expertise. La résurgence du Portrait d'un prince africain (1897) de Gustav KLIMT (1862-1918), confiée à l'historien Alfred Weidinger, illustre parfaitement ce dialogue entre science, histoire et marché.

Perdu après la Seconde Guerre mondiale, le puissant portrait a été présenté en 2023 par un collectionneur à la galerie W&K - Wienerroither & Kohlbacher (Vienne et New York), l'œuvre se trouvait dans un état fragile, ternie par la saleté et encadrée sans éclat. Pourtant, un détail a immédiatement retenu l'attention : un timbre, attestant qu'elle provenait de la succession d'un artiste autrichien majeur.

La galerie confie alors l'étude du tableau à Alfred Weidinger, grand spécialiste et auteur du catalogue raisonné de Klimt en 2007. Depuis vingt ans, il recherchait précisément cette toile disparue. Son expertise a permis d'établir qu'il s'agit d'un portrait exceptionnel : celui d'un prince Osu originaire de la région correspondant à l'actuel Ghana.

Proposée à la vente pour 16,4 m$ sur la Tefaf, la toile se distingue autant par sa valeur artistique que par sa portée historique. Rare représentation d'un dignitaire africain par un peintre européen de renom, elle illustre les échanges complexes entre l'Europe et l'Afrique au 19e siècle. L'importance de cette redécouverte est telle qu'un documentaire télévisé, produit par InterSpot Film, retracera en 2025 l'histoire mouvementée de l'œuvre, de sa disparition à sa réapparition sur le marché.

Un bronze mythique de Camille Claudel

Autre résurgence spectaculaire : L'Âge mûr, bronze mythique de Camille CLAUDEL (1864-1943), disparu des radars depuis plus d'un siècle. Retrouvé par hasard sous un drap dans un appartement parisien abandonné depuis quinze ans, au pied de la tour Eiffel, cet exemplaire numéroté « 1 » n'est pas anodin : il inaugure le tirage de cette œuvre majeure, née dans le sillage douloureux de sa rupture avec Rodin. Le 16 février 2025, chez Philocale à Orléans, la salle retient son souffle. Estimé 2,1 millions, le bronze s'envole à 3,8 millions de dollars, nouveau record français et deuxième enchère mondiale pour l'artiste.

Comment expliquer cet emballement ? D'abord, l'importance historique : un tirage fondateur, véritable jalon dans la réception de Claudel. Ensuite, la rareté extrême : très peu d'exemplaires circulent en ventes publiques, et encore moins avec un tel numéro de fonte. S'ajoute le magnétisme du récit de redécouverte - un chef-d'œuvre endormi qui ressurgit comme par miracle. Enfin, la demande institutionnelle, avec plusieurs musées internationaux en lice, a créé une tension qui a propulsé le prix bien au-delà des attentes.

Lire aussi :Provenance et storytelling : ces petits plus qui redessinent la valeur d'une oeuvre

Deux inédits de René Magritte

La vente du 8 mars 2025 à Caen a révélé deux œuvres inédites de René MAGRITTE (1898-1967), jusqu'alors ignorées du marché et du catalogue raisonné. Ces pièces, conservées depuis plus de 50 ans dans la famille d'Ernst Moerman, ami proche de l'artiste, ont été authentifiées par le comité Magritte de Bruxelles, asseyant leur légitimité et leur impact sur le marché

La première œuvre, une huile et galet mesurant 25 x 21 cm, représente un ciel bleu parsemé de nuages, traversé par un galet réel. Ce "tableau-objet", estimé entre 160 000 $ et 217 000$ , est parti autour des 300 000$, dépassant les attentes. Ce type de création, où Magritte explore la frontière entre l'art et l'objet quotidien, est extrêmement rare sur le marché. Seule une œuvre similaire, Le Fait Primitif (1936), est répertoriée et conservée dans une collection privée new-yorkaise.

La seconde œuvre, un dessin intitulé Nu de face, a été vendue un peu plus de 100 000$, correspondant au bas de son estimation Bien que moins spectaculaire en termes de prix, cette œuvre est significative car elle illustre une exploration libre et expressive du corps féminin chez Magritte.

Ces redécouvertes soulignent à quel point l'archéologie des collections privées peut révéler des trésors oubliés, à l'instar de cette petite toile parfaitement datée de Maurice de Vlaminck.

Maurice DE VLAMINCK (1876-1958) Le Champ de Blé (1906)

Huile/toile, 36 x 50 cm

Casa d'Aste Capitolium, Brescia, Italie, 26/06/2025

Mise à prix: 17 600 $. Prixs: 236 500 $

Un Vlaminck de l'époque fauve

Sans être une œuvre absolument majeure de Maurice DE VLAMINCK (1876-1958), Le Champ de blé (1906) coche toutes les cases d'une redécouverte à haute valeur ajoutée : jalon historique, récit de provenance, rareté typologique et mise en marché habile. Resté invisible depuis un demi-siècle, ce « fantôme » connu seulement par une photo d'archives à l'Institut Wildenstein a refait surface à Brescia, chez Capitolium Art, pour créer un petit événement. Mis à prix 17 600 $, il s'est envolé à 236 500 $ : un résultat qui s'explique autant par son importance artistique - un concentré d'énergie fauve dialoguant avec Van Gogh au lendemain du Salon d'Automne 1905 - que par la solidité de sa traçabilité (France → collection privée US → Milan dans les années 1970). La fraîcheur de marché et le parfum de redécouverte ont fait le reste, déclenchant une compétition nourrie pour ce fauve « primeur », rarissime sur le marché.

À suivre… Salvador Dali et Guido Reni

Ces redécouvertes - toujours nées d'un subtil mélange de hasard, d'intuition et de patient travail d'expertise - ne se limitent pas à faire émerger des chefs-d'œuvre oubliés. Elles permettent aux institutions de combler des corpus lacunaires, aux collectionneurs d'ajouter une pièce rare à leur parcours, et à l'histoire de l'art de se réécrire sous nos yeux. Chaque apparition s'accompagne d'un récit fascinant transformant l'adjudication en un véritable événement culturel autant que marchand.

Cet automne, les ventes réservent leur lot de trésors : chez Cheffins (Cambridge), un dessin de Dalí - intitulé Vecchio Sultano - acheté 150 livres lors d'un vide-grenier sera proposé le 23 octobre pour un prix d'appel 200 fois supérieur.

À Lire : Découverte d'un chef-d'oeuvre de Guido Reni

Mais le clou viendra d'Artcurial, le 25 novembre, avec une magistrale toile italienne de Guido RENI (1575-1642) (image ci-contre) authentifiée par le cabinet Turquin (Paris) : un chef-d'œuvre qui, après avoir traversé les cours de Modène, Turin et Vienne avant de disparaître pendant plus de deux siècles, ressurgit aujourd'hui intact chez les descendants d'un général napoléonien. Estimé entre 2 et 4 millions d'euros, ce fantôme glorieux de l'histoire de l'art s'annonce comme le plus beau coup de marteau de Guido Reni en France.

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