RSF - Reporters sans frontières

10/02/2025 | Press release | Distributed by Public on 10/02/2025 11:46

Pourquoi le deal entre l’entreprise chinoise ByteDance et le gouvernement américain est un contre-modèle de régulation de l’espace informationnel

Alors que le décret permettant la création d'une structure américaine pour encadrer l'algorithme de TikTok aux États-Unis vient d'être signé, Donald Trump a ironisé : "Si je le pouvais, ce serait un algorithme 100 % MAGA, mais ce n'est malheureusement pas comme ça que cela va se passer". Mais derrière la plaisanterie, les risques de capture politique du réseau social, cette fois-ci au profit du président des États-Unis, sont bien réels. Pour Reporters sans frontières (RSF), cet accord illustre précisément ce qu'il ne faut pas faire en matière de régulation de l'espace informationnel.

Le décret Saving TikTok while protecting national security("Sauver TikTok tout en protégeant la sécurité nationale"), signé le 27 septembre, met fin au conflit entre le gouvernement américain et la plateforme chinoise.Après avoir interdit l'application au nom de la protection de ses citoyens contre "les adversaires étrangers", les États-Unis, avec ce décret, autorisent finalement la création d'une nouvelle entité américaine pour gérer les activités du réseau social sur son territoire. Or, en l'état, loin de proposer un cadre juridique indépendant pour traiter de la question de l'ouverture de l'espace informationnel, il ouvre la voie à un contrôle politique accru, cette fois de la part de la présidence Trump.

La nouvelle structure sera détenue majoritairement par des investisseurs américainset supervisée par un comité de direction composé de sept personnes. ByteDance, maison-mère chinoise du réseau social, détiendra 20 % des parts de cette société et pourra désormais nommer un seul de ces directeurs. Les noms de certaines personnalités pressenties, suggérées par Donald Trump lui-même, laissent planer un doute quant à l'indépendance politique de cette structure. Rupert et Lachlan Murdoch (dirigeants du groupe de presse News Corp), Michael Dell, propriétaire du groupe informatique du même nom, Larry Ellison et son fils David (respectivement propriétaires du géant des logiciels Oracle, qui sera chargée de l'hébergement des données, et des studios Paramount) sont des hommes d'affaires réputés proches du président américain. Cette nouvelle configuration n'est pas de nature à rassurer quant à l'indépendance de la structure vis-à-vis de Donald Trump.

"Confier l'algorithme de TikTok, suspectée par le Congrès Américain d'être sous l'influence de Pékin, à des personnalités proches du président américain, ne permet pas d'assurer aux citoyens que la plateforme sera indépendante. Or le paysage informationnel est déjà dominé par des acteurs acquis à Donald Trump comme Elon Musk et Mark Zuckerberg. À ce rythme, toutes les grandes plateformes numériques actives aux États-Unis risquent d'être contrôlées par des hommes alliés au Président américain. Pour RSF, le droit à l'information des citoyens a été totalement négligé dans cette résolution de crise, qui est un contre-modèle de régulation de l'espace informationnel. Nous resterons extrêmement vigilants concernant les orientations stratégiques de TikTok aux États-Unis.

Vincent Berthier
Responsable du bureau technologies et journalisme de RSF

Le contre-exemple américain de la régulation des réseaux sociaux

Pour RSF, le résultat obtenu par l'administration Trump est le contre-exemple d'une régulation pensée pour défendre le droit des citoyens à accéder à une information fiable. Une approche alternative aurait pu être mise en place par le gouvernement américain pour bâtir un cadre juridique respectueux de l'intégrité de l'information :

  • Développer un nouveau régime de responsabilité pour les plateformes.L'état actuel du droit leur reconnait le statut d'hébergeur. Or, ce statut ne permet pas d'appréhender efficacement la nature du service que les plateformes offrent à leurs utilisateurs : celui d'intermédiaires algorithmiques, qui prennent des décisions ayant des conséquences sur la manière dont l'information leur est présentée ;

  • Imposer aux plateformes de respecter une neutralité idéologiquedans le fonctionnement de leur algorithme. En aucun cas une plateforme ne devrait avoir la possibilité de ré-orienter les logiques de sélection de contenus à des fins politiques, idéologiques ou religieuses ;

  • Améliorer la visibilité des contenus journalistiques. Le meilleur moyen de lutter contre la désinformation est de promouvoir des sources fiables, dont les médias d'information. Cette obligation doit s'accompagner de procédures claires pour garantir que les médias et les journalistes seront libres de publier leurs contenus d'intérêt général sur la plateforme de leur choix.

  • Conditionner l'accès des médias étrangers et plateformes étrangères à l'espace informationnel des démocratiesà ces mêmes obligations, en matière de respect du droit à l'information, ainsi qu'à l'ouverture de leurs propres espaces informationnels. Développer un tel cadre juridique permet de prévenir les guerres de l'information entre espaces ouverts, comme ceux des démocraties, et les espaces fermés comme celui de la Chine.
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Publié le02.10.2025
Updated on 02.10.2025
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