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UNOG - United Nations Office at Geneva

12/23/2025 | News release | Distributed by Public on 12/23/2025 23:17

Venezuela-États-Unis : dans la mer des Caraïbes, la confrontation change d’échelle

La mer, espace de circulation et de commerce, s'est muée en théâtre d'affrontement. Au large du Venezuela, le sud des Caraïbes se militarise à vive allure, pris dans une spirale d'opérations armées, de sanctions économiques et de menaces politiques qui rapproche deux États d'un point de rupture.

Invoquant la lutte contre le narcotrafic, Washington étend son dispositif militaire. Caracas dénonce un blocus déguisé et une agression caractérisée. Entre les deux, une région entière glisse vers l'instabilité.

Depuis septembre, les opérations américaines se sont intensifiées dans les eaux entourant le Venezuela, au point que le pays a convoqué en urgence mardi une séance du Conseil de sécurité sur la question. Lors de la réunion, Mohamed Khaled Khiari, Sous-Secrétaire général de l'ONU pour le Pacifique, a rappelé que les États-Unis affirment agir dans le cadre d'un « conflit armé non international » contre les cartels de la drogue, invoquant l'article 51 de la Charte des Nations unies relatif à la légitime défense. Le président Donald Trump, a souligné le représentant du pays, entend user de « toute la puissance des États-Unis pour s'attaquer aux cartels de la drogue et les éradiquer ». Une rhétorique martiale appliquée à des routes maritimes, loin de toute ligne de front formellement reconnue.

Frappes en mer et zones d'ombre

Les conséquences humaines sont lourdes. Selon les autorités américaines, 105 personnes ont été tuées depuis le 2 septembre lors de frappes visant des navires vénézuéliens soupçonnés de transporter des stupéfiants dans le sud de la mer des Caraïbes et l'est du Pacifique. Les lieux exacts de ces opérations restent inconnus, a précisé Mohamed Khaled, selon qui Washington évoque simplement des « eaux internationales » ou la « zone de responsabilité du commandement Sud des États-Unis ». Une opacité qui alimente les accusations d'exécutions extrajudiciaires.

Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme, Volker Türk, a lui même averti que « les frappes aériennes menées par les États-Unis d'Amérique contre des embarcations dans les Caraïbes et le Pacifique - prétendument liées au trafic de drogue - violent le droit international des droits de l'homme », rappelant que la lutte contre le narcotrafic relève du maintien de l'ordre, et non d'opérations militaires létales. Il a appelé à des enquêtes « rapides, indépendantes et transparentes ».

Caracas dénonce un « crime d'agression gigantesque »

Mais au-delà du droit humanitaire, c'est une lecture radicalement opposée de la crise qui s'est exprimée au Conseil. Pour Caracas, la lutte antidrogue sert de paravent à un projet bien plus vaste. « Nous alertons le monde : le Venezuela n'est que la première cible d'un plan plus vaste », a lancé le représentant vénézuélien devant les membres du Conseil, accusant les États-Unis de vouloir annexer son pays en exigeant qu'il lui cède « ses terres, son pétrole et ses minéraux ». Dénonçant « la plus grande extorsion connue de notre histoire » et « un crime d'agression gigantesque », il a affirmé que les meurtres commis en mer des Caraïbes et dans l'océan Pacifique constituaient la première étape d'une stratégie visant à imposer la domination américaine par « des actes terroristes ».

S'élevant contre l'invocation par Washington de l'article 51 de la Charte des Nations Unies, le délégué vénézuélien y a vu une « distorsion perverse du droit », transformant, selon lui, « de petits bateaux non armés » en prétendus auteurs d'attaques assimilées à l'usage « d'armes de destruction massive ». « Il s'agit d'exécutions extrajudiciaires, d'homicides volontaires commis par une force militaire contre des civils non armés », a-t-il tranché.

Pétroliers, espace aérien et risque d'escalade

Les attaques contre les pétroliers vénézuéliens marquent, selon Caracas, un nouveau seuil. Le représentant a dénoncé une « utilisation illégale de la force étatique pour commettre des vols en haute mer », accusant les États-Unis de violer « le droit inaliénable du Venezuela de commercer légalement avec le monde » et de chercher à priver tous les pays de ce même droit.

Ajoutées à la décision de déclarer l'espace aérien vénézuélien « complètement fermé », ces mesures viseraient à « provoquer une confrontation directe », a-t-il averti, tout en dénonçant des opérations de désinformation destinées à justifier « l'agression contre un pays pacifique comme le Venezuela » et contre son président.

Washington assume l'escalade

Washington, de son côté, assume l'escalade. « Ce sont les actions du régime illégitime de Maduro qui menacent la paix et la sécurité », a déclaré le représentant des États-Unis, réaffirmant que son pays ne reconnaît pas le président Nicolás Maduro et ses « sires » comme le gouvernement légitime du Venezuela. Qualifiant le président vénézuélien de « fugitif cherchant à échapper à la justice américaine », il l'a accusé de diriger l'organisation criminelle transnationale connue sous le nom de Cartel de los Soles.

Selon le délégué américain, la plus grave menace pesant sur l'hémisphère demeure celle des groupes criminels transnationaux, dotés de capacités techniques sophistiquées et de financements importants. Il a rappelé que, dans son rapport 2025, l'Office des Nations Unies contre la drogue et le crime (ONUDC) identifie le Venezuela comme l'une des principales voies de transit des drogues illicites dans l'hémisphère occidental, ainsi qu'un point de départ d'articles illicites vers les États-Unis et l'Europe. La capacité du régime à vendre le pétrole vénézuélien lui permettrait, selon lui, de « s'accrocher au pouvoir et de mener ses activités narcoterroristes ».

« Le peuple vénézuélien mérite mieux », a-t-il insisté.

Un pays pris en étau

Pris en étau entre pression extérieure et crispation intérieure, le Venezuela s'enfonce. En septembre, invoquant des menaces extérieures, le président Maduro a élargi les pouvoirs d'urgence de l'exécutif. La vie publique s'est militarisée, tandis que le bureau des droits de l'homme des Nations Unies fait état d'enrôlements forcés dans la milice bolivarienne, y compris d'adolescents et de personnes âgées, de restrictions massives des libertés publiques, de détentions arbitraires et de disparitions forcées.

Le coût social est déjà vertigineux. Minée par l'inflation, l'instabilité monétaire et l'effondrement du pouvoir d'achat, l'économie vénézuélienne vacillait avant même le durcissement des sanctions. Les restrictions aériennes et maritimes, combinées à la chute des exportations, menacent désormais la capacité de l'État à fournir des services essentiels. Le Haut-Commissaire aux droits de l'homme a souligné l'impact disproportionné des sanctions sectorielles sur les populations les plus vulnérables et appelé à leur réévaluation.

L'appel à la désescalade

Lors de son exposé au Conseil, Mohamed Khaled Khiari a rappelé l'urgence du respect du droit international et de la désescalade. Quelques jours plus tôt, António Guterres s'était entretenu par téléphone avec Nicolás Maduro, réaffirmant « la nécessité pour les États Membres de respecter le droit international, en particulier la Charte des Nations Unies, de faire preuve de retenue et de désamorcer les tensions afin de préserver la stabilité régionale ».

À défaut, la mer des Caraïbes pourrait durablement se transformer en ligne de front, où la guerre contre la drogue servirait de matrice à une crise plus large de souveraineté, de droit et de survie économique - avec, en première ligne, une population déjà éprouvée.

UNOG - United Nations Office at Geneva published this content on December 23, 2025, and is solely responsible for the information contained herein. Distributed via Public Technologies (PUBT), unedited and unaltered, on December 24, 2025 at 05:17 UTC. If you believe the information included in the content is inaccurate or outdated and requires editing or removal, please contact us at [email protected]