RSF - Reporters sans frontières

12/29/2025 | Press release | Distributed by Public on 12/29/2025 13:05

Guinée-Bissau : des garanties de sécurité nécessaires pour l’exercice du journalisme dans un contexte post-coup d’État

Alors que les nouvelles autorités militaires viennent de publier une charte de transition, Reporters sans frontières (RSF) leur demande des garanties de sécurité pour le libre exercice du journalisme dans un contexte sahélien où la liberté de la presse est sous pression.

À peine quinze jours après le coup d'État du 26 novembre, le nouveau ministre de la Communication sociale de Guinée-Bissau, Abduramane Ture, a rencontré les principaux directeurs de médias du pays pour leur présenterla charte de la transitionet une déclaration rendue qui stipule : "Le haut commandement militaire invite tous les médias à collaborer afin d'éviter la diffusion d'informations et de messages appelant à la violence et à la désobéissance civile sous peine d'être immédiatement fermés."Des responsables de médias y voient déjà un appel "à l'autocensure"et craignent un contrôle de l'information qui, dans des pays tels que le Mali ou le Burkina Faso, a contraint la presse à "un traitement patriotique" de l'actualité, brimant toute information indépendante et critique.

Pendant trois jours, aux lendemains du coup d'État, la junte militaire guinéenne a envoyé un signal inquiétant en suspendant tous les médias privés, tels que Sol Mansi ou Capital FM.Autre point d'inquiétude pour la profession : le nouveau ministre de la Communication, Abduramane Ture, est l'ancien directeur d'Africa FM, une radio appartenant au président déchu Umaro Sissoco Embalo, dont il a géré la communication pendant la campagne électorale. L'enjeu, selon Indira Correia Baldé, la présidente du Syndicat des journalistes, est de protéger la liberté d'informer. Or, des médias privés indiquent que "seuls des médias publics et un média international ont, en effet, été autorisés à couvrir l'investiture du président de transition et de son gouvernement".

"Le coup d'État a eu lieu dans un environnement régional où les médias en Guinée-Conakry voisine et dans les pays du Sahel central sont sous pression des juntes. La suspension de trois jours a généré un manque à gagner sur les rares recettes publicitaires des médias, dans un contexte où l'exercice du journalisme s'est dégradé avec des attaques récurrentes. RSF propose aux autorités de transition de Guinée-Bissau des mesures urgentes pour garantir le libre exercice du journalisme. Il est crucial que le droit à l'information prévale en toute circonstance et que les médias exercent leur mission sans représailles. Pour cela, il faut s'abstenir de toute censure, allouer de manière transparente des subventions publiques, et ouvrir systématiquement des enquêtes en cas d'agressions contre les journalistes.

Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

Dans un contexte déjà marqué par une forte fragilité économique des médias, une insécurité persistante pour les journalistes et des risques accrus de contrôle de l'information, RSF a identifié deux recommandations urgentes pour garantir le libre exercice du journalisme durant la période de transition :

  • Pour la soutenabilité économique des médias :

Absence de subventions publiques, rareté de la publicité et coûts exorbitants des licences d'exploitation - estimés entre 800 et près de 8000 euros par an - , il est difficile aux médias de mailler le territoire national. Aussi le salaire moyen d'un acteur des médias dépasse rarement 150 euros par mois. "On ne peut pas garantir la liberté de la presse et l'accès à l'information sans une soutenabilité des médias", déclare un reporter basé à Bissau, ajoutant qu'il leur est même difficile de traiter l'actualité dans les huit régions, 36 départements et les îles du pays. "Pour y aller, il faut se faire inviter par les ONG", ajoute-t-il.

Ces difficultés économiques se sont accrues avec la suspension des médias privés durant trois jours et dès lors, l'impossibilité d'honorer des contrats publicitaires en cours. Ce qui a "malheureusement occasionné des pertes en recettes publicitaires que personne ne va compenser",se désole Satam Injai, directrice de la radio Pindjiguiti, la première du pays, créée en 1995. Un avis partagé par le journaliste Antonio Nhaga de l'hebdomadaire O Democrata, selon qui la suspension a exacerbé les difficultés des médias.

Recommandation: RSF souligne la nécessité de mettre en place, dans le cadre de la transition, des dispositifs visant à accompagner les médias vers davantage de professionnalisation et d'instaurer des subventions publiques distribuées de manière transparente.

  • Lutter contre l'impunité des crimes commis contre les journalistes et les médias

Le jour du coup d'État, le 26 novembre, des militaires de la garde présidentielle ont, sur ordre de la junte, fait irruption à Radio Sol Mansipour évacuer le personnel. Tiago Seide, directeur exécutif de Rádio Capital FM, la plus écoutée du pays, se rappelle du "vieux et douloureux souvenir"de la double attaque arméede sa radio, survenue le 7 février 2022, "par des personnes en uniforme, qui n'ont toujours pas été identifiées ni traduites en justice".

Le 27 juillet dernier, le journaliste Waldir Araujo, correspondant de la Radio télévision portugaise (RTP)en Guinée-Bissau, a été agressépar un groupe d'individus.

Recommandation: RSF rappelle l'importance de garantir que toute atteinte visant des journalistes ou rédactions fasse systématiquement l'objet d'enquêtes impartiales et effectives afin de sanctionner les auteurs. L'organisation insiste sur la nécessité, durant la période de transition, de mettre en place des protocoles de sécurité permettant aux professionnels de l'information et aux médias d'informer sans représailles.

La Guinée-Bissau occupe la 110e place sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presseétabli par RSF en 2025, en recul par rapport à 2024 où elle figurait à la 92e position.

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Publié le29.12.2025
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