10/08/2025 | Press release | Distributed by Public on 10/08/2025 03:53
Cette nuit, Israël a intercepté illégalement une deuxième flottille à destination de Gaza dans les eaux internationales. Hanne Bosselaers, de Médecine pour le Peuple, se trouvait à bord du plus grand navire de la flottille, le Conscience, avec des dizaines d'autres médecins et journalistes. Quelques heures avant, elle se confiait sur cette mission humanitaire.
Mercredi 8 octobre 2025
Par Jonathan Lefèvre, Solidaire
Alors que les médias occidentaux détournent le regard, le mouvement international de solidarité s'organise face à l'accélération du génocide en cours à Gaza. Hanne Bosselaers, médecin généraliste à Médecine pour le Peuple, s'était embarquée sur le bateau Conscience qui fait partie de la Flottille pour Gaza. Quelques heures après cet entretien, plusieurs bateaux se faisaient de nouveau intercepter illégalement par l'armée israélienne.
Hanne Bosselaers. Mon engagement a débuté bien avant les événements récents : en 2013, j'ai travaillé pour Awda à Gaza afin de jumeler notre maison médicale de Médecine pour le Peuple à Molenbeek avec un centre de première ligne d'Awda à Beit Hanoun. J'y suis restée cinq mois et, il y a 12 ans déjà, la réalité était celle du blocus et de l'occupation. Il y avait un manque de médicaments, trois séries de bombardements, des gens tués dans toutes les familles...
Les Palestiniens sont alors entrés dans mon cœur et j'ai continué à suivre leur appel à la solidarité et à me battre pour leur libération. J'ai été active dans des organisations comme Intal, Médecine pour le Peuple, Viva Salud. Évidemment, cet engagement s'est intensifié depuis le 7 octobre 2023, lorsque le génocide a commencé.
La Freedom Flotilla Coalition existe déjà depuis 2007. C'est d'ailleurs la 32e fois que des bateaux partent pour Gaza. Ce réseau international est composé d'Européens, d'Américains, d'Asiatiques, Africains...
Hanne Bosselaers, Médecine pour le Peuple
Hanne Bosselaers. C'est un très large réseau qui regroupe toutes les personnes expérimentées dans la lutte pour la Palestine. Il fonctionne par pays et à l'international. La Freedom Flotilla Coalition existe déjà depuis 2007. C'est d'ailleurs la 32e fois que des bateaux partent pour Gaza. Ce réseau international est composé d'Européens, d'Américains, d'Asiatiques, Africains...
Hanne Bosselaers. Parce que le génocide continue. Les dernières semaines ont été particulièrement meurtrières. Les forces armées d'Israël ont commencé à raser Gaza-ville. Actuellement, elles assiègent toujours l'hôpital Al-Shifa, le plus grand hôpital de Gaza, qui, bien qu'ayant déjà été détruit en 2024, est encore partiellement fonctionnel. Ils sont en train de vider le centre de la ville pour l'occuper, bombardant les derniers bâtiments debout et déplaçant la population vers une zone encore plus restreinte. C'est une destruction que les forces armées israéliennes veulent totale, et elle s'accélère. Même si nos médias ne le montrent plus, nous devons absolument garder nos regards là-dessus. L'humanité n'a plus d'autre choix que de suivre l'appel des Palestiniens pour arrêter ce génocide. Les gouvernements ne le font pas ; ils auraient pu envoyer depuis longtemps de l'aide humanitaire pour briser le siège illégal.
Hanne Bosselaers. Sur notre bateau, il y a surtout des soignants et des journalistes. J'ai organisé une vidéoconférence avec nos collègues d'Awda, qui nous ont raconté en direct comment ils vivent le génocide dans leurs hôpitaux et centres de soins. Ce sont des témoignages très concrets et très touchants. Ils ont beaucoup de confiance dans notre arrivée à Gaza, et cela leur donne vraiment de l'espoir et du courage de voir que des collègues soignants du monde entier se mobilisent et qu'ils ne sont pas oubliés. Les journalistes ont également des contacts avec leurs homologues. Hier soir, par exemple, nous avons organisé une commémoration pour tous les journalistes et soignants tués par Israël.
Les Gazaouis sont un des meilleurs exemples de comment rester au service de son peuple et préserver la dignité et l'humanité
Hanne Bosselaers, Médecine pour le Peuple
Hanne Bosselaers. En principe, les soignants doivent préserver le droit à la santé pour tous. Mais nous vivons dans un système capitaliste qui rend les soins commerciaux et voit les patients comme des clients. Face à cela, les Gazaouis sont un des meilleurs exemples de comment rester au service de son peuple et préserver la dignité et l'humanité. Pour eux, chaque vie palestinienne qui est sauvée, c'est aussi une résistance. C'est une résistance au génocide. Le directeur Mohamed Salha racontait que, pendant le siège de leur hôpital, ils manquaient tellement de carburant qu'il n'y avait plus de ventilation mécanique pour les patients en soins intensifs. Ils ont alors assuré la ventilation manuelle pendant 72 heures. Cela signifie appuyer sur un ballon au rythme de la respiration ; les infirmiers faisaient des tours d'une demi-heure pendant trois jours pour sauver la vie d'une personne blessée. C'est ce qu'ils font. Ce sont eux les vrais héros du peuple.
Hanne Bosselaers. Les journées passent très vite. Nous sommes 92 personnes, il y a donc beaucoup d'interactions sociales. Mais nous avons aussi des briefings. Chaque matin, nous faisons une mise à jour de la situation en Palestine, la politique et les accords de paix. Nous préparons également notre plan d'arrivée : quand nous entrerons dans la zone de risque d'attaque ou d'interception, et quand nous serons kidnappés. On prépare tout ça mentalement, mais aussi avec des exercices de sécurité deux fois par jour, où nous sommes appelés sur le pont avec notre gilet de sauvetage pour nous entraîner.
Nous avons aussi des tâches quotidiennes : cuisiner, nettoyer le bateau et les toilettes. Les médecins ont des gardes de 8 heures pour s'occuper des problèmes de santé. Nous avons eu des problèmes de mal de mer au début, des infections qui circulent maintenant, et des petits accidents. Nous nous occupons aussi de l'aide humanitaire, nous avons trié tous les médicaments que nous acheminons, par exemple. Le soir, nous faisons un deuxième débriefing et une activité culturelle, comme chanter ou lire de la poésie palestinienne, pour créer des liens entre nous.
Hanne Bosselaers. Il y a peu de stress ici, en fait. Je pense que le stress est bien pire de l'extérieur, par exemple chez mon mari ou ma famille. Nous avons suivi en détail ce qui s'est passé avec la Global Sumud Flotilla (la flottille partie un peu plus tôt, avec Greta Thunberg, les belges Saddie Choua et Alexis Deswaef, etc. et interceptée illégalement par Israël dans les eaux internationales il y a quelques jours, NdlR). Notre bateau est dirigé par quatre femmes, qui ont toutes participé à d'autres flottilles. Elles nous racontent leurs expériences passées. Nous savons que ce qui peut nous arriver n'est toujours qu'une fraction de ce qui arrive aux Palestiniens tous les jours depuis 77 ans. Ce sont des choses qui vont passer pour nous, ça aura une fin. Nous serons peut-être emprisonnés pendant deux jours à côté de Palestiniens qui sont là pour qui sait combien de temps. Nous sommes mentalement prêts. Nous espérons que le fait de voir nos droits violés à nous, Européens blancs, pourra amplifier le message et attirer l'attention sur les Palestiniens.