Ministry of Europe and Foreign Affairs of the French Republic

12/19/2025 | Press release | Archived content

Entretien de M. Benjamin Haddad, ministre délégué auprès du ministre de l’Europe et des affaires étrangères, chargé de l’Europe, avec « France Info » - Extraits (Paris, 19[...]

Q - Bonsoir Benjamin Haddad.

R - Bonsoir.

Q - Commençons peut-être par cette colère du monde agricole, le vote sur le traité de libre-échange avec le Mercosur est certes repoussé. Ce sera finalement courant janvier. La France et l'Italie ont obtenu ce délai hier. Ce n'est, semble-t-il, pas suffisant pour rassurer les agriculteurs qui s'inquiètent également de la gestion de la dermatose bovine. Il y a des blocages qui sont maintenus sur certaines routes ce soir, sur l'A64 notamment, sur une route nationale ariégeoise également. Ce délai d'un mois pour ce traité de libre-échange avec le Mercosur, est-ce que ce n'est pas reculer pour mieux sauter ?

R - La France, depuis le début, avec une position claire, se bat pour la défense de nos agriculteurs et de la souveraineté alimentaire de notre continent européen. Et il faut le dire, le Conseil européen qui a eu lieu hier, c'est une double victoire diplomatique pour notre pays. Parce que sans l'action de la France, on aurait eu le Mercosur qui passe en force, sans la moindre protection pour les agriculteurs, et on aurait eu la fin du financement pour l'Ukraine. Et sur le Mercosur, le Président de la République a été très clair. Le compte n'y était pas. Il n'était donc pas acceptable que cet accord soit mis au vote. Et nous avons eu des demandes très claires. La protection de nos agriculteurs avec des clauses de sauvegarde, c'est-à-dire un frein d'urgence pour bloquer les importations si elles viennent perturber des marchés ou des filières. C'est de la réciprocité dans les normes, c'est-à-dire quelque chose de très simple, on ne peut pas laisser rentrer en Europe des produits qui utilisent des pesticides ou des additifs alimentaires qui sont interdits pour nos agriculteurs en Europe. Cela, c'est de la loyauté commerciale, c'est du bon sens. Et puis, les vrais contrôles des produits qui rentrent en Europe, comme d'ailleurs le font très bien les Américains et les Chinois.

Q - Mais si le projet est mis au vote en janvier plutôt qu'en décembre, en quoi ce n'est plus un passage en force ?

R - La Commission a commencé à travailler sur ces mesures. On a eu par exemple la proposition d'une clause de sauvegarde robuste, mais qui ne sont pas encore adoptées. Donc d'abord, il faut adopter, il faut avancer sur ces mesures de protection pour nos agriculteurs. Et puis, il y a un autre débat, puisque vous avez raison de parler de la crise agricole plus générale, il y a un autre débat qui est celui du revenu des agriculteurs et de la politique agricole commune. On est au début des négociations du prochain budget européen sur sept ans, ce qu'on appelle le cadre financier pluriannuel. La Commission européenne, dans la copie qu'elle a proposée, crée une incertitude sur 20% des montants de la PAC. Et cela, ce n'est pas acceptable, on l'a dit avec Annie Genevard, avec le Président de la République, avec le Premier ministre depuis des mois. Et donc là aussi, on demande, avec l'Italie d'ailleurs et d'autres partenaires européens que nous avons mobilisés sur ce sujet, on demande à ce que 100% des revenus des agriculteurs soient réservés, soient sanctuarisés dans la prochaine politique agricole commune. Cela aussi, c'est une condition sine qua none, et c'est ce que la France demande…

Q - C'est du plus long terme, en tout cas, ce n'est pas les principaux…

R - Non, c'est un sujet sur lequel on demande des réponses rapides de la Commission européenne.

Q - Mais ce ne sont pas les principales revendications des agriculteurs dans les blocages qui s'expriment aujourd'hui sur certaines routes, je le disais. Il y a eu ce rendez-vous ce matin à Matignon. Voilà ce qu'a dit Arnaud Rousseau de la FNSEA à la sortie.

[…]

Q - Arnaud Rousseau de la FNSEA qui vous laisse un peu d'air, Benjamin Haddad, en évoquant cette échéance du Salon de l'agriculture un peu lointaine, alors que la Confédération paysanne, par exemple, dit être déçue, dit ce soir « on ne peut pas lever les blocages qui restent, par exemple, sur l'A64. » C'est votre inquiétude qu'il y ait des perturbations dans les prochains jours avec les départs en vacances ?

R - Moi, je voudrais d'abord dire que l'on a vu l'écoute et la mobilisation du Gouvernement face au drame que vivent les agriculteurs, la situation de la dermatose, aussi la dimension humaine. Le Président de la République l'a évoqué hier avec ses abattages. On comprend vraiment la situation terrible que cela représente pour énormément d'agriculteurs pour qui c'est la vie. Ce sont des gens qui travaillent sept jours sur sept, qui ne partent pas en vacances, pour qui ces troupeaux sont leur existence et donc…

Q - Vous écoutez, mais vous ne convainquez pas manifestement.

R - Parce que l'on est effectivement dans une situation qui est très difficile, dans laquelle le Gouvernement est mobilisé. Moi, je voudrais dire au niveau européen, puisque c'est des sujets que l'on évoque aujourd'hui, que ce soit sur le Mercosur, que ce soit sur la négociation de la prochaine politique agricole commune, que la position de la France, et là aussi, on mobilise nos partenaires européens en ce sens, a toujours été une fermeté absolue. Les agriculteurs ne peuvent être les variables d'ajustement à chaque fois des accords de libre-échange, de la politique d'ouverture commerciale de l'Union européenne. Et c'est pour cela qu'on se bat sur le Mercosur, c'est pour cela qu'on se battra sur la PAC, et c'est pour cela que le Gouvernement sera également mobilisé pour répondre aux préoccupations des agriculteurs.

Q - Mais on se retrouve sur ce Mercosur, par exemple, très très minoritaire, face à l'Allemagne, à l'Espagne, aux pays nordiques, qui pousse plutôt pour une signature. Comment on fait en sorte d'éviter cette impression que c'est Bruxelles qui dicte les règles ?

R - Mais on a entendu cela il y a encore quelques jours. Moi, ce que je constate, c'est qu'on sort d'un Conseil européen où c'est la voix de la France qui l'a emporté, nous avons remporté ce bras de fer.

Q - On a remporté un délai d'un mois.

R - On nous avait dit qu'il n'y aurait pas de report et que le Mercosur passerait en force sans les clauses de sauvegarde, sans les mesures de réciprocité sur les normes, sans les mesures de contrôle, sans aucun mouvement sur la politique agricole commune. De fait, aujourd'hui, ce n'est pas le cas. Et on a vu au contraire…

Q - En tout cas, ce n'est pas le même calendrier…

R - …Le Président de la République et la voix de la France ont été entendus hier. Encore une fois, le compte n'y était pas. On verra où on en est en janvier sur tous ces points-là, mais nos demandes ont été extrêmement claires.

Q - Il y a un Conseil des ministres exceptionnel qui est annoncé pour lundi soir, on l'a su il y a quelques minutes, évidemment pour évoquer le budget avec cette commission mixte paritaire qui n'a pas été conclusive, comme on dit, ce matin. Il y a encore un horizon pour le budget de la France ?

R - C'est nécessaire. Vous savez, on a réussi à trouver un compromis sur le budget de la sécurité sociale. Tout le monde nous disait que c'était impossible dans notre pays de trouver des compromis, mais on l'a fait parce que vous avez des parlementaires qui ont des sensibilités politiques différentes, qui viennent d'horizons différents, mais qui ont choisi de s'entendre, de s'écouter, de trouver des compromis, comme on le fait dans toutes les démocraties autour de nous, parce que c'est l'intérêt général du pays, parce que l'on a besoin de payer nos services publics, parce que l'on a besoin de payer notre école, l'augmentation de notre budget de défense dans ce climat géopolitique qui est si conflictuel. Donc moi, je fais confiance, encore une fois, à notre capacité à pouvoir aller de l'avant et à trouver, encore une fois, pour l'intérêt du pays, les compromis qui sont nécessaires. Le Premier ministre l'a montré, c'est un homme de dialogue et de compromis. Il a pris des décisions qui étaient peut-être difficiles dans le cadre du PLFSS sur la suspension de la réforme des retraites, mais précisément pour que l'on puisse avancer collectivement. Et donc, le pays a besoin d'un budget. Donc, j'espère que l'on pourra continuer, en effet, à avancer. En tout cas, vous savez que nous avons été dans une logique de construire ces compromis pour le pays.

Q - Autre sujet majeur qui vous concerne, la guerre en Ukraine, Vladimir Poutine qui s'est longuement exprimé ce matin, une conférence de presse annuelle comme il en a l'habitude. Il a été interrogé par exemple par ce journaliste de la BBC qui lui demande s'il y aura d'autres fronts militaires ouverts par la Russie qui viseraient d'autres pays européens.

[…]

Q - Vladimir Poutine, assez menaçant. Benjamin Haddad, vous vous préparez à une attaque de la Russie sur un pays membre de l'Union européenne ?

R - Mais déjà, je veux dire, c'est une inversion accusatoire dont Vladimir Poutine est assez coutumier. Le seul agresseur depuis des années, c'est Vladimir Poutine, qui a choisi d'agresser son voisin, l'Ukraine, et dont on voit les menaces répétées contre les démocraties européennes, à travers les attaques cyber contre nos infrastructures, à travers les violations de l'espace aérien européen avec des incursions de drones ou encore d'avions. Et donc oui, en effet, face à cela, il faut être forts. Il faut être forts, se donner les moyens de se défendre et de dissuader la menace. C'est pour cela que sur les deux mandats d'Emmanuel Macron, on a doublé le budget de défense de la France. On continue à le faire dans le budget qui a été présenté aux parlementaires. C'est pour cela que nous travaillons aussi avec nos partenaires européens à investir dans une Europe de la défense autonome qui ne dépend pas uniquement des Américains. C'est pour cela qu'on a pris des décisions majeures aussi au Conseil européen…

Q - Hier, il n'a pas été possible de se mettre d'accord sur l'utilisation des avoirs russes gelés entre Européens. C'est dommage ?

R - Mais non, puisque nous avons trouvé un accord historique, 90 milliards d'euros d'eurobonds, un emprunt européen comme on l'avait fait pendant la crise Covid, précisément pour pouvoir donner aux Ukrainiens les moyens de continuer à financer leur effort de guerre. On aurait pu sortir de ce Conseil européen sans un accord, sans une décision. Là, à l'inverse, et d'ailleurs la France a joué un rôle pivot pour pouvoir trouver un consensus sur ce sujet, le grand perdant de ce Conseil européen, c'est Vladimir Poutine. Il espérait une fois de plus que les Européens se diviseraient, ne seraient pas capables de prendre des décisions. Au contraire, nous avons pris la décision historique, 90 milliards d'euros d'eurobonds, le plus important, c'était de trouver un moyen de continuer à donner de la visibilité aux Ukrainiens pour leur effort de guerre. C'est fait avec ce Conseil européen. Une fois de plus, c'est notre sécurité qui est en jeu. C'est pour cela que nous soutenons les Ukrainiens. C'est pour cela que nous réarmons aussi en Europe. Et c'est pour cela, continuons aussi à investir dans notre industrie de défense européenne autonome pour nous donner les moyens d'être forts, collectifs, et de dissuader la menace.

Q - Merci Benjamin Haddad, ministre délégué chargé de l'Europe.

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