RSF - Reporters sans frontières

09/04/2025 | Press release | Distributed by Public on 09/04/2025 14:16

Modification du cadre de protection des journalistes en manifestation en France : ni la méthode, ni le contenu ne conviennent

Alors que les appels à manifester en France se multiplient dans un contexte politique instable, le ministère de l'Intérieur et la police nationale se sont accordés, dans le silence de l'été, sur un document qui nie toutes les avancées en matière de protection des journalistes qui couvrent les manifestations. Un recul inquiétant des garanties de leur sécurité dans des contextes parfois violents et une atteinte caractérisée au droit à l'information des citoyens. Reporters sans frontières (RSF) condamne ces nouvelles prérogatives données aux forces de l'ordre et appelle le ministère de l'Intérieur, la police nationale et la Préfecture de police de Paris à réunir d'urgence les parties prenantes pour expliquer la portée de cette doctrine et le cadre garantissant l'exercice du journalisme en situation de "violences urbaines".

"La prise en compte du statut des journalistes telle que consacrée par le schéma national du maintien de l'ordre, ne trouve pas à s'appliquer dans un contexte de violences urbaines."C'est ce qu'on peut lire dans ce qui est présenté comme un "guide pratique pour la gestion des violences urbaines", et nommé Schéma national des violences urbaines (SNVU). Un document à destination des forces de l'ordre en France qui assume donc de se donner la possibilité de ne pas assurer la protection et le respect des journalistes qui couvriraient des manifestations publiques, identifiées comme des "violences urbaines". Une contradiction intrinsèque aux principes acquis, notamment par les syndicats de journalistes et RSF, dans le cadre des discussions autour duSchéma national du maintien de l'ordre (SNMO).

Ce document, consultable sur le sitedu Syndicat national des personnels de police scientifique depuis le 22 août 2025, a d'abord été partagé aux agents de la police nationale et de la Préfecture de police - à partir du 31 juillet dernier. Sa publication sur un site institutionnel - comme c'est le cas pour son corollaire, le SNMO - n'est toujours pas effective. Par ailleurs, les journalistes, précisément visés et exclus du cadre de protection de ce schéma de maintien de l'ordre, n'ont en aucun cas été consultés ou informés, alors même qu'un groupe de contact entre des organisations (dont RSF), des syndicats de journalistes, le ministère de l'Intérieur et la Préfecture de police se réunit régulièrement autour de ce sujet.

"Rien ne va : ni la méthode, ni le contenu. Alors que les appels à manifester se multiplient en France autour de la date du 10 septembre, il est profondément inacceptable que le statut particulier des journalistes en manifestation soit balayé d'un revers de la main, en catimini, sans aucune consultation préalable. Qu'ils couvrent des manifestations déclarées ou des violences urbaines, les professionnels de l'information doivent pouvoir rendre compte de la situation sur place avec la garantie d'exercer leur travail en toute sécurité. C'est à la fois l'intégrité physique des journalistes et le droit à l'information des citoyens qui se voient ici bafoués. Le ministère de l'Intérieur et la police nationale doivent impérativement donner des garanties sur l'exercice du journalisme et la protection des reporters en situation de violences urbaines.

Thibaut Bruttin
Directeur général de RSF

Une doctrine qui va à l'encontre du cadre de protection des journalistes en place

La dernière version du SNMO publiée en décembre 2021, était venue renforcer le cadre de protection des journalistes dans le cadre des manifestations, qu'elles soient "déclarées", "interdites"ou "pas préalablement déclarées". Lors de sa rédaction, à laquelle RSF et les syndicats de journalistes ont contribué, cette expression visait précisément à couvrir tout type de manifestations, y compris si elles devaient être l'occasion de "violences urbaines". Contacté par RSF, le ministère de l'Intérieur précise, en contradiction avec le SNMO lui-même, que "le maintien de l'ordre concerne les manifestations, la plupart du temps déclarées à l'avance, ce qui permet de mettre en place une organisation spécifique intégrant la présence des journalistes" et que, a contrario, les violences urbaines "ne permettent pas l'anticipation et l'organisation propres au maintien de l'ordre".

La zone de flou créée par le SNVU destiné, est-ce écrit, "à répondre à toutes les situations de violences urbaines, jusqu'aux émeutes insurrectionnelles, caractérisées par une très haute intensité", ouvre donc la voie à des positions arbitraires et à un régime dérogatoire dans la couverture des manifestations et "violences urbaines", impliquant un empêchement des journalistes à couvrir sereinement ces événements et une entrave au droit à l'information des citoyens.

La police nationale a annoncéqu'elle préciserait prochainement la doctrine afin de clarifier leur position. Il est crucial que les parties prenantes soient réunies d'urgence d'ici le 10 septembre pour clarifier la portée de ce nouveau texte, son articulation avec le SNMO et le cadre garantissant l'exercice du journalisme en situation de "violences urbaines".

Publié le04.09.2025
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