Vingt ans après la ratification par l'Union européenne (UE) de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, un nouveau rapport de l'OMS/Europe montre que si l'UE a réalisé d'importants progrès sur le plan politique, le tabac continue de faire plus d'un demi-million de victimes chaque année.
« Il y a 20 ans, l'UE a adopté cette convention historique des Nations Unies et mis en place ses piliers juridiques internes conformément à la vision de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, à savoir sauver des vies et protéger tous les individus contre les risques sanitaires très divers liés au tabagisme, qu'il s'agisse du cancer, des maladies cardiovasculaires, de la tuberculose ou de la démence », a expliqué le docteur Hans Henri P. Kluge, directeur régional de l'OMS pour l'Europe.
« Pourtant, après des décennies d'action politique dans les 27 États membres de l'UE, la charge globale du tabagisme reste immense en Europe, avec de grandes variations d'un pays à l'autre. Le nouveau Programme de travail européen 2026-2030 de l'OMS renouvelle cette vision et appelle à un renforcement de l'action collective sur les facteurs de risque des maladies non transmissibles, y compris la consommation de tabac. »
Le tabagisme reste la première cause de mortalité évitable en Europe
Si la consommation de tabac diminue progressivement dans l'UE, elle continue de faire plus d'un demi-million de victimes chaque année. Parmi celles-ci, près de 80 000 meurent d'une exposition au tabagisme passif.
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En 2022, 26,5 % des adultes de l'UE consommaient du tabac, un pourcentage supérieur à la moyenne mondiale de 20,9 %.
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Près de 1 femme sur 4 consomme actuellement du tabac dans l'UE, ce qui dépasse la prévalence du tabagisme chez les femmes dans la Région européenne de l'OMS (18,9 %) et de loin la prévalence mondiale chez les femmes (7,4 %).
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Le tabagisme reste aussi plus élevé chez les hommes (29,1 %) que chez les femmes (23,9 %).
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Le tabac continue de causer plus de décès prématurés que tout autre facteur de risque comportemental ou métabolique pour la santé, représentant 17 % de l'ensemble des décès prématurés dus à des maladies non transmissibles dans l'UE.
La cible 3 a de l'objectif de développement durable des Nations Unies appelle au renforcement de l'application de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac. L'application accélérée de la Convention-cadre contribuera également à la réalisation de l'objectif du Plan d'action mondial pour la lutte contre les maladies non transmissibles, à savoir parvenir à une réduction relative de 30 % de la consommation de tabac d'ici à 2025. Dans l'UE, seuls 7 pays sont en passe d'atteindre cet objectif mondial.
Les jeunes et la cigarette électronique : une menace pour des décennies de progrès
Le lourd fardeau que représente la nocivité du tabac est dû en grande partie à une industrie puissante et axée sur le profit. Aujourd'hui, les actions des fabricants de tabac, qui utilisent un large éventail de stratégies pour maximiser leurs profits, deviennent une menace urgente pour l'avenir de l'UE.
Les nouveaux produits à base de tabac et de nicotine, tels que les cigarettes électroniques et les sachets de nicotine, souvent conçus avec des couleurs vives et des arômes sucrés, font l'objet d'un marketing délibéré, notamment par le biais des médias sociaux, pour attirer les enfants et les adolescents et ainsi entraîner une nouvelle génération dans la dépendance.
La Région européenne de l'OMS est déjà la première au monde en ce qui concerne l'usage des cigarettes électroniques chez les adolescents (13-15 ans), et la tendance est à la hausse et très visible dans l'ensemble de l'UE. Alors que les taux de tabagisme sont en baisse dans la population adulte, l'utilisation de produits à base de nicotine est en forte augmentation chez les jeunes.
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Près de 1 étudiant de 15-16 ans sur 4 dans l'UE fait aujourd'hui usage de cigarettes électroniques, une proportion allant de 6 % au Portugal à 36 % en Pologne.
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Depuis 2019, les taux d'utilisation de ce type de cigarettes par les adolescents ont augmenté dans 22 des 25 pays de l'UE couverts par l'étude, et dans chaque État membre, les filles rapportent un taux d'utilisation plus élevé que les garçons.
Des études montrent que l'usage des cigarettes électroniques peut multiplier par près de 3 la consommation de cigarettes traditionnelles, en particulier chez les jeunes non-fumeurs, ce qui sape les efforts de lutte antitabac et les succès déjà obtenus.
Des différences dans la mise en œuvre des politiques : que peut-on faire ?
Des différences sont encore observées concernant la mise en œuvre de mesures de lutte antitabac fondées sur des données probantes dans les États membres de l'UE. Si tous les pays de l'UE surveillent le tabagisme et imposent des avertissements sanitaires graphiques, seuls 8 d'entre eux ont instauré des environnements entièrement non-fumeurs, et 4 pays seulement appliquent une interdiction complète de la publicité, de la promotion et du parrainage. Les cigarettes sont en fait devenues moins chères dans 14 pays de l'UE depuis 2014, compromettant ainsi les progrès accomplis. En 2024, seuls 6 des 27 pays de l'UE avaient interdit les arômes des cigarettes électroniques, et environ la moitié des États membres de l'UE appliquaient des restrictions partielles à la publicité pour ce type de cigarettes.
Si les États membres de l'UE connaissent diverses difficultés lorsqu'il s'agit d'appliquer la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, 2 grands obstacles sont régulièrement signalés par les pays : l'apparition de nouveaux produits à base de tabac et de nicotine qui profitent des lacunes législatives des directives de l'UE en matière de lutte antitabac, et l'ingérence persistante de l'industrie du tabac.
En 20 ans, l'UE a montré comment une action juridique coordonnée peut faire évoluer différemment les trajectoires de santé publique. Les prochaines révisions des directives européennes, notamment la directive sur les produits du tabac et la directive sur la taxation du tabac, seront décisives pour atteindre l'objectif européen d'une « génération sans tabac » d'ici à 2040, c'est-à-dire moins de 5 % de la population consommant du tabac.
« Le rapport de l'OMS/Europe souligne que pour combler les lacunes réglementaires actuelles et garantir une protection à long terme de la santé publique, il importe de réviser la directive sur les produits du tabac et de l'orienter vers l'avenir. En outre, sans des mesures de protection solides, les processus réglementaires restent vulnérables aux tactiques de l'industrie qui sapent les objectifs de santé publique, et il est donc essentiel de mettre pleinement en œuvre l'article 5.3 de la Convention-cadre de l'OMS pour la lutte antitabac, qui vise à protéger l'élaboration des politiques de la pression de l'industrie, pour continuer à progresser », a expliqué Kristina Mauer-Stender, conseillère régionale de l'OMS/Europe pour la lutte antitabac.
Le leadership de l'Europe et la voie à suivre
Selon l'analyse de l'OMS/Europe, le renforcement de la fiscalité et des mesures antitabac, l'interdiction de tous les arômes, l'introduction d'emballages neutres pour l'ensemble des produits à base de nicotine et la suppression des failles de la publicité en ligne pourraient accélérer considérablement les progrès.
« Le nouveau leadership de l'UE, sa vision forte et son ambition en matière de lutte antitabac sont essentiels non seulement pour protéger la santé de ses citoyens, mais aussi pour donner l'exemple au niveau mondial », a ajouté Mme Mauer-Stender.
« Une Europe sans tabac signifie bien plus qu'un simple objectif politique atteint. Cela signifie un avenir où les enfants grandissent sans dépendance, où l'air est plus pur et où la santé et le bien-être sont des valeurs partagées par tous. »