RSF - Reporters sans frontières

10/03/2025 | Press release | Distributed by Public on 10/03/2025 11:29

Pakistan : une dizaine de journalistes et chaînes YouTube ciblés sous la loi PECA en moins d’un an

Alors que près d'une dizaine de journalistes ont déjà été ciblés depuis le durcissement de la loi sur la prévention des crimes électroniques (PECA) en janvier, un nouvel amendement visant à renforcer cette législation a été soumis au Parlement pakistanais en septembre 2025. Reporters sans frontières (RSF) alerte sur l'instrumentalisation croissante de cette loi controversée, outil de répression contre les voix critiques, qui doit être abrogée.

La loi sur la prévention des crimes électroniques (PECA), toujours plus répressive. Arrestations, convocations, censures numériques : sous le coup de la loi PECA, amendéeen janvier 2025, les journalistes sont exposés à une batterie de mesures arbitraires, souvent déclenchées à partir de publications en ligne. En 2025, un amendement avait déjà élargi les possibilités d'utiliser cette loi pour réprimer la critique, en introduisant une définition vague des contenus interdits - par exemple, un contenu pour lequel "il existe des raisons suffisantes de croire qu'il pourrait être faux ou mensonger", ou ceux contraires à "l'idéologie du Pakistan"ou encore "susceptibles de provoquer la peur ou la panique". L'amendement de janvier a en outre prévu la création d'une autorité de régulation sous influence du gouvernement, ainsi que des peines pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement.

Depuis le début de l'année, au moins neuf journalistes ont été poursuivissous cette loi, selon le ministère de l'Information et de la Radiodiffusion et le ministère de l'Intérieur, et des chaînes YouTube de journalistes ont été bloquées, sous couvert de cette législation.

Présenté en septembre 2025, un nouvel amendementà cette loi controversée prévoit de mettre fin à l'exonération de responsabilité des fournisseurs d'accès à Internet (FAI), des hébergeurs, des plateformes et des réseaux sociaux. Ceux-ci devraient retirer sans délai tout contenu jugé répréhensible, - sur la base de ces mêmes critères flous -, sous peine de sanctions pouvant viser aussi leurs dirigeants.

"Sous le couvert de combattre des crimes électroniques et cybercrimes, la loi PECA est de plus en plus utilisée comme une arme contre la presse. Depuis sa révision en janvier 2025, la spirale répressive qu'elle alimente n'a fait que se poursuivre. RSF condamne fermement l'abus et l'instrumentalisation de la loi PECA contre les journalistes critiques, et demande que toutes les poursuites arbitraires contre eux soient abandonnées et que la loi soit abrogée. L'organisation appelle les parlementaires à travailler sur une régulation des réseaux sociaux et des plateformes numériques permettant la lutte contre la désinformation par des moyens proportionnés, avec des définitions précises, et non par des dispositions floues ouvrant la porte à la censure généralisée.

Célia Mercier
Bureau Asie du Sud de RSF

Quatre journalistes visés en un mois

Le 6 août, la nouvelle Agence nationale de cybersécurité (NCCIA), créée sous l'égide de la division de l'Intérieur pour surveiller les activités en ligne, a adressé une notificationde poursuites au journaliste Muhammad Akbar Notezai, du quotidien Dawn, en réponse à son enquête publiée en 2024 sur la corruption au Baloutchistan, province du sud-ouest du Pakistan, faisant un usage rétroactif préoccupant de la législation. Quelques jours plus tôt, le 29 juillet, une plainte pénale avait été déposéecontre le journaliste de Lahore Rang Muhammad Aslam, pour avoir diffusé sur Facebook un reportage sur des malversations dans le cadre d'un chantier routier. L'affaire a été classée après un accord à l'amiable, entraînant le retrait de son article.

Le 22 août, le journaliste indépendant Khalid Jamila lui été arrêté par la NCCIA, accusé d'avoir partagé un contenu "hautement intimidant"sur le réseau X. Il a été libéré sous caution après sa comparution le 23 août et la procédure judiciaire est toujours en cours. Le 25 août, le directeur du média Azaad Digitalet vice-président du Club de presse de Peshawar, Irfan Khan, a quant à lui reçu une convocationde la branche cybercriminalité de l'Agence de renseignement, la Federal Investigation Agency (FIA), à la suite d'une publication accusant un fonctionnaire local de corruption. Il demeure sous la menace de poursuites.

Vague de censure numérique

Des chaînes YouTube de journalistes ont aussi été ciblées massivement. Le 8 juillet 2025, à la demande de la NCCIA, un tribunal d'Islamabad a ordonné le blocage de 27 chaînes YouTube sur la base de la loi PECA, accusées de diffuser des contenus "anti-Pakistan". Parmi elles, celles de journalistes en exil comme Ahmad Noorani, Wajahat Saeed Khan, Moeed Pirzada, celles de leurs confrères au Pakistan Matiullah Jan et Asad Ali Toor, ainsi que celles des médias Daily Qudratet Charsadda Journalist. Après avoir constaté l'absence de notification préalable, un tribunal de district a suspendu partiellementla décision pour cinq de ces chaînes. Le 11 septembre, un tribunal d'Islamabad a finalement ordonnéle déblocage de 11 des 27 chaînes visées, qui avaient déposé un recours.

En parallèle, la contestation de la loi PECA progresse timidement devant les tribunaux. Alors que la haute cour d'Islamabad devait examiner des recours contestant sa constitutionnalité le 18 septembre, l'audience a été reportée, sans nouvelle date annoncée à ce jour. D'autres recours déposés devant la Cour suprême, la haute cour du Sindh et la haute cour de Lahore sont toujours en suspens.

Asie - Pacifique
Pakistan
Découvrir le pays
Image
158/ 180
Score : 29,62
Publié le03.10.2025
  • Asie - Pacifique
  • Pakistan
  • Cadre légal et justice
  • Censure et surveillance technologiques
  • Actualité
  • Liberté d'opinion et d'expression
  • Harcèlement judiciaire
RSF - Reporters sans frontières published this content on October 03, 2025, and is solely responsible for the information contained herein. Distributed via Public Technologies (PUBT), unedited and unaltered, on October 03, 2025 at 17:29 UTC. If you believe the information included in the content is inaccurate or outdated and requires editing or removal, please contact us at [email protected]