12/17/2025 | Press release | Distributed by Public on 12/18/2025 11:50
Reporters sans frontières (RSF) condamne la disparition forcée du journaliste Rory Branker, transféré le 8 décembre de son lieu de détention vers un lieu inconnu, sans notification préalable à sa famille ni à son avocat. Incarcéré depuis février 2025, le cas de Rory Branker est devenu un symbole de la répression du journalisme indépendant au Venezuela, où les journalistes se voient systématiquement refuser des procès équitables et l'accès à une défense juridique, et sont fréquemment détenus dans des lieux tenus secrets. RSF exige que le gouvernement vénézuélien révèle le lieu où se trouve le journaliste et libère immédiatement les cinq autres professionnels de l'information actuellement détenus.
Collaborateur du site d'information La Patilla, Rory Branker, 43 ans, a été arrêtéle 20 février 2025 à Caracas par des agents du Service bolivarien de renseignement (SEBIN) alors qu'il quittait son domicile. Il a passé 206 jours au secret avant que sa famille ne soit enfin autorisée à lui rendre visite, en septembre, dans une cellule de la police nationale. À la suite de cette visite, la Commission interaméricaine des droits de l'homme (CIDH) a accordé des mesures conservatoiresau journaliste. C'est-à-dire qu'elle a adressé une demande urgente à l'État vénézuélien afin de protéger ses droits à la "vie et à l'intégrité personnelle", après avoir constaté le risque grave pesant sur ceux-ci, ainsi que l'absence d'informations officielles sur son état.
Malgré la demande de la CIDH adressée à l'État vénézuélien, les autorités du pays l'ont une nouvelle fois transféré vers un lieu inconnu le 8 décembre, selon les informations de RSF. Par ailleurs, une vidéopubliée le 9 décembre par le photojournaliste Jesus Medina sur le compte Instagram du média en ligne VPI TVmontre Rory Branker parmi un groupe de détenus embarqués dans un véhicule officiel. Plus d'une semaine s'est écoulée et les autorités n'ont toujours pas précisé où le journaliste a été conduit, ni dans quelles conditions il est détenu. Ce manque d'informations choquant a plongé sa famille dans un état de stress extrême, en particulier sa mère, qui souffre de graves problèmes de santé.
"RSF condamne le non-respect par les autorités vénézuéliennes des mesures conservatoires accordées par la CIDH en faveur de Rory Branker ; ainsi que les transferts arbitraires de détenus et les disparitions forcées comme forme supplémentaire de punition contre les journalistes. L'ONG exige que l'État vénézuélien révèle immédiatement le lieu de détention de Rory Branker, communique sur son état de santé et les conditions de sa détention, garantisse son intégrité physique et veille à ce que le journaliste puisse avoir des contacts réguliers avec sa famille et son avocat. Nous appelons également à la libération immédiate et inconditionnelle des cinq autres professionnels de l'information détenus en raison de leur travail.
Le transfert arbitraire de Rory Branker est intervenu peu après la mort en détention du dirigeant de l'opposition et ancien gouverneur de Nueva Esparta, Alfredo Díaz, décédéle 6 décembre au centre de détention d'El Helicoide à Caracas, dans un contexte d'allégations de refus de soins médicaux appropriés. Des organisations de défense des droits humains ont documenté qu'à la suite de ce décès, les autorités ont ordonné l'évacuation partielled'El Helicoide et d'autres centres de détention. Des groupes de prisonniers politiques ont été dispersés dans diverses prisons du pays, sans contrôle judiciaire, ni notification à leurs familles.
À l'heure actuelle, six professionnels de l'information vénézuéliens sont privés de liberté pour des raisons directement liées à leur travail journalistique. Outre Rory Branker sont détenus :
Leandro Palmar, collaborateur de LUZ Radio 102.9 FMet du site d'information Es Noticia Venezuela, ainsi que son producteur, Belices Salvador Cubillan, arrêtésle 9 janvier 2025 à Maracaibo alors qu'ils couvraient des manifestations. Ils ont été transférés le 1er novembre au centre pénitentiaire d'Aragua (Tocorón).
Nakary Mena Ramos, journaliste du média indépendant Impacto Venezuela, arrêtéele 8 avril 2025 après la publication d'un reportage d'investigation sur l'insécurité à Caracas. Elle est actuellement détenue à l'Institut national d'orientation féminine (INOF). C'est l'unique femme journaliste actuellement détenue dans le pays.
Gianni Gonzalez, cameraman pour Impacto Venezuelaet époux de Nakary Mena Ramos, est détenu à la prison d'El Rodeo, située près de Caracas.
Luis Lopez, correspondant de La Verdad de Vargas, incarcéréau centre de détention d'El Helicoide depuis juin 2024 ; soit il y a plus de dix-sept mois.
Persecution, enforced disappearances and arbitrary detention: a Venezuelan pattern of press repression
At present, six Venezuelan news professionals have been deprived of their liberty for reasons directly linked to their journalistic work. The other five are:
Leandro Palmar: contributor to LUZ Radio 102.9 FMand the digital outlet Venezuela es Noticia, and his producer, Belices Salvador Cubillán, arrestedon 9 January 2025 in Maracaibo while covering protests and transferred on 1 November to the Aragua Penitentiary Centre (Tocorón).
Nakary Mena Ramos, reporter for the independent news portal Impacto Venezuela, detainedon 8 April 2025 after publishing an investigative report on insecurity in Caracas. She is currently held at the National Institute for Female Orientation (INOF) and is the only woman journalist currently behind bars in the country.
Gianni González, cameraman for Impacto Venezuelaand husband of Nakary Mena Ramos, detained at El Rodeo prison.
Luis López,correspondent for La Verdad de Vargas, detainedat El Helicoide detention centre since June 2024 - over seventeen months ago.
Selon notre analyse, le cas de Rory Branker s'inscrit dans un schéma clair : au Venezuela, les arrestations arbitraires sont souvent suivies de transferts vers des lieux non divulgués et de longues périodes de détention au secret. Le 3 novembre, RSF a condamnéla disparition forcée du journaliste et universitaire Joan Camargo, professeur d'université et journaliste spécialisé dans la couverture de l'actualité policière pour des médias indépendants. Il a été enlevé par des hommes encagoulés le 30 octobre à Cotiza, un quartier de la capitale Caracas. Après plus de cinq jours de disparition, Joan Camargo a été libéré grâce à la pression constante exercée sur les autorités par sa famille, le Syndicat national des travailleurs de la presse (SNTP) et des organisations internationales.
Le recours répété à cette stratégie - désormais aggravée par le transfert opaque de Rory Branker - démontre que les disparitions forcées de courte et moyenne durée sont devenues une tactique établie pour faciliter la répression de la presse libre au Venezuela. Dans nombre de ces affaires, les autorités ont invoqué des chefs d'accusation pénaux tels que le "terrorisme", la "conspiration", l'"incitation à la haine" et la "diffusion de fausses informations", sur la base de la loi organique contre la criminalité organisée et le financement du terrorisme et de la soi-disant loi contre la haine, des textes adoptés par une Assemblée nationale constituante dépourvue de pouvoir législatif.
Ces instruments juridiques sont régulièrement utilisés pour persécuter la couverture médiatique, les opinions critiques et les reportages sur la criminalité ou les manifestations dans un pays où la liberté de la presse continue d'être systématiquement bafouée.
Le Venezuela se classe 160e sur 180 pays dans le Classement mondial de la liberté de la presse 2025de RSF.