09/24/2025 | Press release | Distributed by Public on 09/24/2025 06:06
Le Comité des disparitions forcées a examiné, hier après-midi et ce matin, le rapport initial du Bénin concernant l'application par ce pays de la Convention internationale pour la protection de toutes les personnes contre les disparitions forcées.
Au cours du dialogue noué entre les experts membres du Comité et la délégation béninoise venue présenter ce rapport, un expert a voulu savoir si le Bénin allait créer un registre national unifié des personnes disparues qui consigne tous les cas de disparitions involontaires et qui permette de distinguer les disparitions forcées des autres types de disparition, et si le pays pourrait envisager d'incriminer la disparition forcée comme une infraction autonome dans le Code pénal et d'harmoniser pleinement sa définition avec celle établie à l'article 2 de la Convention.
Ce même expert a relevé, à cet égard, que la définition de la disparition forcée donnée par le Code pénal béninois ne correspondait pas à celle donnée par la Convention, notamment parce que la définition utilisée au Bénin concerne une « période prolongée » qui n'existe pas dans la Convention. La question se pose de savoir comment l'État entend poursuivre les cas de disparition forcée qui pourraient être nombreux et fréquents mais qui ne rempliraient pas l'exigence d'un attaque généralisée ou systématique, a fait remarquer l'expert.
L'expert a ensuite relevé qu'il y avait eu, lors des processus électoraux de 2019 et 2021, des violations des droits de l'homme documentées incluant des cas de détention arbitraire et des actes assimilables à des disparitions forcées. Il a regretté que la loi d'amnistie votée en 2019 au Bénin ait mis le voile sur ces faits.
Un autre expert a demandé s'il existait au Bénin des protocoles obligeant la justice et la police à diligenter immédiatement une enquête en cas de signalement d'une disparition forcée. Il a par ailleurs indiqué que la société civile avait informé le Comité de deux cas d'enlèvements transfrontaliers à partir de pays voisins du Bénin - celui de Steve Amoussou en 2024 et celui du journaliste Hugues Comlan Sossoukpè en 2025 - auxquels auraient participé des agents de l'État béninois.
Le Comité est informé d'une augmentation des disparitions forcées au Bénin imputables à des groupes non étatiques au nord du pays, avec plus de cent incidents ces dernières années, a poursuivi l'expert. Il s'est enquis des mesures prises par l'État pour faire face à ces faits et éviter qu'ils ne se produisent avec le consentement d'agents de l'État, et pour que les populations ne risquent pas de faire l'objet de disparition forcée dans le cadre des opérations antiterroristes menées dans la même région.
D'autres questions des experts ont porté sur le contrôle des conditions de détention et des lieux de privation de liberté au Bénin, sur l'application du principe de non-refoulement énoncé dans la Convention ou encore sur la protection des enfants contre la traite de personnes, le recrutement forcé ou l'adoption illégale.
Présentant le rapport de son pays, M. Yvon Detchenou, Garde des Sceaux, Ministre de la justice et de la législation de la République du Bénin, a notamment indiqué que depuis la ratification de la Convention en 2017, le Bénin avait entrepris d'intégrer les exigences de cet instrument en matière de prévention, d'enquête et de réparation dans son ordre juridique et dans ses pratiques administratives et judiciaires. Le Bénin n'a connu aucun cas de disparition forcée depuis cette date, a-t-il souligné.
La Commission béninoise des droits de l'homme, qui abrite le Mécanisme national de prévention de la torture, exerce une vigilance accrue dans l'ensemble des lieux de privation de liberté, a poursuivi le chef de délégation. Au cœur du dispositif figure le registre national unifié et digitalisé des privations de liberté, mis en place par le Ministère de la justice, a-t-il indiqué. Le registre est complété par une base nationale recensant les infractions déclarées et constatées par les unités de police, y compris les enlèvements signalés, et un système de contrôle des visites pour prévenir toute détention occulte.
Le droit des victimes est pleinement reconnu, et l'accès aux recours est facilité par la diversification des mécanismes de plainte et de dénonciation, y compris au moyen de plates-formes numériques sécurisées, a ajouté M. Detchenou.
Les priorités du Bénin sont l'utilisation optimale et l'extension du registre national digitalisé des privations de liberté comme outil de transparence, de traçabilité et de prévention; le renforcement des mécanismes de réparation et de soutien pluridisciplinaire aux victimes et à leurs familles; et l'élargissement de la sensibilisation auprès des communautés, des autorités locales, des forces de sécurité et des acteurs, a indiqué le Ministre.
La délégation béninoise présente à Genève était également composée de M. Angelo Dan, Représentant permanent du Bénin auprès des Nations Unies à Genève, et d'une collaboratrice du Garde des Sceaux. D'autres représentants du Gouvernement et de la police du Bénin ont apporté des compléments d'information depuis Cotonou. La Commission béninoise des droits de l'homme a aussi participé au dialogue.
Durant ce dialogue, la délégation a notamment indiqué que le Code pénal béninois envisage la disparition forcée dans le contexte particulier de la lutte contre le terrorisme et de la systématisation des disparitions forcées par des organisations criminelles. Il prévoit des peines d'emprisonnement pour les atteintes à la liberté commises par les dépositaires de l'autorité publique, a-t-elle en outre souligné. Le Code pénal contient une incrimination particulière des disparitions forcées dans le cadre des crimes contre l'humanité, a par la suite précisé la délégation. Elle a dit prendre bonne note des remarques du Comité concernant la définition de la disparition forcée donnée par le Code pénal béninois, afin de parvenir à une incrimination précise de ce crime. La révision du Code pénal portera donc aussi sur l'harmonisation de la définition de la disparition forcée avec celle donnée par la Convention, a-t-elle assuré.
La loi portant ratification de la Convention a été publiée au Journal officiel et est donc invocable devant les tribunaux, a d'autre part indiqué la délégation. Le Bénin pourra revoir sa position relativement à la reconnaissance de la compétence du Comité de recevoir des plaintes individuelles, a-t-elle par ailleurs fait savoir.
Le Comité adoptera ultérieurement, à huis clos, ses observations finales sur le rapport du Bénin et les rendra publiques à l'issue de sa session, le 3 octobre prochain.
Vendredi prochain, 26 septembre, à partir de 10 heures, le Comité entamera l'examen du rapport de Sri Lanka.
Examen du rapport du Bénin
Le Comité est saisi du rapport initial du Bénin (CED/C/BEN/1) ainsi que des réponsesdu pays à une liste de points à traiterqui avait été soumise par le Comité.
Présentation
Présentant le rapport de son pays, M. YVON DETCHENOU, Garde des Sceaux, Ministre de la justice et de la législation de la République du Bénin, a déclaré que « le territoire de l'actuel Bénin, marqué par son histoire, rappelle que les disparitions forcées ne sont pas seulement une réalité contemporaine, mais qu'elles s'inscrivent, pour le peuple béninois, dans une mémoire collective de privations arbitraires de liberté ». Le Bénin fut en effet, durant des siècles, l'un des points de départ de la traite négrière transatlantique. Cette tragédie universelle peut être regardée comme une forme massive et systématique de disparition des personnes, déportées et effacées de la protection de la loi et de leurs proches, a ajouté le chef de la délégation béninoise. C'est pourquoi le Bénin se sent un devoir moral particulier : que jamais plus des êtres humains ne soient condamnés à l'invisibilité, à l'oubli ou au silence, a-t-il expliqué. Cet engagement a aussi influencé la démarche mémorielle qui a conduit à l'adoption à l'unanimité par l'Assemblée nationale de la loi n°2024-31 portant reconnaissance de la nationalité béninoise aux Afrodescendants, a indiqué M. Detchenou. La lutte contre les disparitions forcées s'inscrit, pour le Bénin, dans une continuité historique. L'engagement du Bénin dépasse la technique juridique : il s'ancre dans une histoire humaine universelle qui fonde la sincérité de sa démarche, a insisté le Ministre.
M. Detchenou a ensuite indiqué que depuis la ratification de la Convention, en 2017, le Bénin avait entrepris d'intégrer les exigences de cet instrument en matière de prévention, d'enquête et de réparation dans son ordre juridique et dans ses pratiques administratives et judiciaires. Le Bénin n'a connu aucun cas de disparition forcée depuis cette date, a souligné le Ministre.
La Commission béninoise des droits de l'homme, qui abrite le Mécanisme national de prévention de la torture, exerce une vigilance accrue dans l'ensemble des lieux de privation de liberté, a poursuivi le chef de délégation. Au cœur du dispositif figure le registre national unifié et digitalisé des privations de liberté, mis en place par le Ministère de la justice, a-t-il indiqué. Le registre est complété par une base nationale recensant les infractions déclarées et constatées par les unités de police, y compris les enlèvements signalés, et un système de contrôle des visites pour prévenir toute détention occulte.
À côté des structures institutionnelles, il existe également au Bénin des mécanismes communautaires originaux de recherche des personnes disparues, a en outre fait observer M. Detchenou. Les communautés locales coordonnent les radios de proximité, les réseaux sociaux, les autorités décentralisées et des acteurs uniques - les « gongonneurs » (ou crieurs publics traditionnels) - qui mobilisent la population et relaient rapidement l'information dans les villages et quartiers, a-t-il expliqué.
S'agissant de la réparation, le droit des victimes est pleinement reconnu, a par ailleurs assuré le Ministre. L'accès aux recours est facilité par la diversification des mécanismes de plainte et de dénonciation, y compris au moyen de plates-formes numériques sécurisées, les signalements anonymes étant encadrés par des garanties procédurales qui préviennent la calomnie tout en permettant l'alerte, a-t-il précisé.
Le Bénin applique strictement le principe de non-refoulement et s'interdit d'expulser ou d'extrader quiconque vers un pays où cette personne courrait un risque de disparition forcée, a d'autre part souligné M. Detchenou.
Des défis subsistent, en particulier en matière de sensibilisation accrue des acteurs judiciaires et communautaires, de consolidation des dispositifs d'alerte et de renforcement des mécanismes de réparation et d'accompagnement des victimes, a souligné le Ministre. Les priorités du Bénin sont l'utilisation optimale et l'extension du registre national digitalisé des privations de liberté comme outil de transparence, de traçabilité et de prévention ; le renforcement des mécanismes de réparation et de soutien pluridisciplinaire aux victimes et à leurs familles ; et l'élargissement de la sensibilisation auprès des communautés, des autorités locales, des forces de sécurité et des acteurs, a conclu M. Detchenou.
Questions et observations des membres du Comité
M. MATAR DIOP, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Bénin, a pris note de l'affirmation du rapport selon laquelle la République du Bénin n'a pas connu des cas de disparition forcée pendant la période couverte par le rapport, soit de 2017 à 2021.
L'expert a demandé si la Convention avait déjà été invoquée devant les tribunaux béninois, et s'il existait des exemples de décisions judiciaires dans lesquelles des tribunaux ou autorités compétentes ont appliqué la Convention pour résoudre des plaintes liées à des disparitions forcées. Il s'est également enquis des raisons empêchant le Bénin de reconnaître la compétence du Comité pour recevoir et examiner des plaintes [communications] individuelles et interétatiques.
M. Diop a d'autre part voulu savoir si le Bénin allait créer un registre national unifié des personnes disparues qui consigne tous les cas de disparitions involontaires et qui permette de distinguer les disparitions forcées des autres types de disparition.
L'expert a ensuite demandé si le Bénin pourrait envisager d'incriminer la disparition forcée comme une infraction autonome dans le Code pénal et d'harmoniser pleinement sa définition avec celle établie à l'article 2 de la Convention. Il a relevé à cet égard que la définition de la disparition forcée donnée par le Code pénal béninois ne correspondait pas à celle donnée par la Convention, notamment parce que la définition utilisée au Bénin n'envisage pas la situation d'une personne, mais celle d'un groupe de personnes arrêtées, détenues ou enlevées par un État et non par ses agents ; et qu'elle concerne une « période prolongée » qui n'existe pas dans l'article 2 de la Convention. La question se pose de savoir comment l'État entend poursuivre les cas de disparition forcée qui pourraient être nombreux et fréquents mais qui ne rempliraient pas l'exigence d'un attaque généralisée ou systématique, a fait remarquer l'expert.
M. Diop a ensuite relevé qu'il y avait eu, lors des processus électoraux de 2019 et 2021, des violations des droits de l'homme documentées incluant des cas de détention arbitraire et des actes assimilables à des disparitions forcées. Il a regretté que la loi d'amnistie votée en 2019 ait mis le voile sur ces faits. En 2019, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a adopté une résolution demandant au Gouvernement béninois d'ouvrir une enquête sur les violations des droits de l'homme perpétrées pendant les affrontements pré et post-électoraux, a également fait remarquer l'expert.
M. Diop a d'autre part demandé quelles dispositions du droit béninois régissaient l'application du principe de non-refoulement d'une personne vers un pays où elle risquerait d'être victime de disparition forcée. Il a aussi voulu savoir si les mesures d'expulsion ou de refoulement pouvaient faire l'objet de recours.
L'expert a également demandé si le registre mentionné par le chef de la délégation complétait ou remplaçait les registres déjà existants et si cet outil permettait de suivre le parcours d'un justiciable depuis son arrestation et sa garde à vue par la police jusqu'à sa détention puis sa libération. M. Diop a en outre demandé à la délégation si les organisations de droits de l'homme avaient accès aux lieux de détention.
M. JUAN PABLO ALBÁN ALENCASTRO, corapporteur du Comité pour l'examen du rapport du Bénin, a demandé s'il existait au Bénin des protocoles obligeant la justice et la police à diligenter immédiatement une enquête en cas de signalement d'une disparition forcée. Il a aussi demandé quelles sanctions l'État pouvait prendre contre des personnes qui auraient donné l'ordre de commettre une disparition forcée ; et ce qui serait fait pour protéger les personnes qui auraient dénoncé une disparition forcée, en particulier lorsque cette disparition serait le fait d'un agent public.
L'expert a aussi voulu savoir si le Bénin tenait compte du risque de disparition forcée au moment de conclure des traités d'extradition avec d'autres pays.
La société civile a informé le Comité de deux cas d'enlèvements transfrontaliers à partir de pays voisins du Bénin - celui de Steve Amoussou en 2024 et celui du journaliste Hugues Comlan Sossoukpè en 2025 - auxquels auraient participé des agents de l'État béninois, a indiqué M. Albán Alencastro. Il a voulu savoir si l'État béninois traitait ces cas comme des privations illégales de liberté ou comme des disparitions forcées transnationales.
Le même expert a ensuite voulu savoir à partir de quel moment l'obligation d'enquêter d'office sur un cas de disparition forcée était effective.
M. Albán Alencastro s'est en outre enquis des mesures prises contre la traite des êtres humains, en particulier dans la zone frontière entre le Nigéria, le Bénin et le Togo. Il s'est interrogé, d'une part, sur la baisse récente du nombre d'enquêtes menées sur ces faits, en dépit de rapports faisant état de la persistance du risque de traite au Bénin et, d'autre part, sur la réduction de la prise en charge des victimes.
Le Comité est informé d'une augmentation des disparitions forcées au Bénin imputables à des groupes non étatiques au nord du pays, avec plus de cent incidents ces dernières années, a poursuivi l'expert. Il s'est enquis des mesures prises par l'État pour faire face à ces faits et éviter qu'ils ne se produisent avec le consentement d'agents de l'État, et pour que les populations ne risquent pas de faire l'objet de disparition forcée dans le cadre des opérations antiterroristes menées dans la même région.
M. Albán Alencastroa par la suite insisté pour savoir ce qui était fait pour protéger les communautés du nord du pays contre la menace terroriste qui pourrait impliquer des disparitions forcées, de même que pour éviter la disparition de personnes innocentes dans le cadre de la lutte antiterroriste.
L'expert a aussi voulu savoir si les proches des victimes de disparition forcée pouvaient d'adresser au Système d'information policière pour l'Afrique de l'Ouest (SIPAO) afin qu'il enclenche son dispositif d'alerte en cas de disparition.
Dans ses réponses à la liste de points à traiter, le Bénin dit ne pas prévoir d'intégrer les infractions visées à l'article 25 de la Convention dans sa législation pénale et affirme que le Code de l'enfant prévoit la nullité des adoptions obtenues frauduleusement : mais l'État ne donne pas de détails sur la procédure à suivre pour annuler ces adoptions, a par ailleurs regretté M. Albán Alencastro.
Une experte a demandé s'il existait un dispositif contre des agents de l'État qui menaceraient des particuliers de disparition forcée.
Plusieurs questions ont porté sur le nouveau registre numérique des privations de liberté.
Un expert a fait part de préoccupations concernant la durée du transfert de personnes entre des lieux de détention éloignés au Bénin. Il a par ailleurs regretté qu'il soit possible, au Bénin, de placer des prisonniers à l'isolement pendant des périodes beaucoup plus longues que les limites fixées par l'Ensemble de règles minima des Nations Unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela).
D'autres questions ont porté sur les modalités d'application du droit à la vérité des proches des victimes de disparition forcée, ou encore sur la sensibilisation du public aux droits garantis par la Convention.
Réponses de la délégation
La loi portant ratification de la Convention a été publiée au Journal officiel et est donc invocable devant les tribunaux, a indiqué la délégation.
Le Bénin pourra revoir sa position relativement à la reconnaissance de la compétence du Comité de recevoir des plaintes individuelles, a-t-elle par ailleurs fait savoir.
Le Code pénal envisage la disparition forcée dans le contexte particulier de la lutte contre le terrorisme et de la systématisation des disparitions forcées par des organisations criminelles, a expliqué la délégation. Il prévoit des peines d'emprisonnement pour les atteintes à la liberté commises par les dépositaires de l'autorité publique, a-t-elle en outre souligné. La révision du Code pénal portera aussi sur l'harmonisation de la définition de la disparition forcée avec celle donnée par la Convention, a-t-elle indiqué.
Le Code pénal contient une incrimination particulière des disparitions forcées dans le cadre des crimes contre l'humanité, a par la suite précisé la délégation. Elle a dit prendre bonne note des remarques du Comité concernant la définition de la disparition forcée donnée par le Code pénal béninois, afin de parvenir à une incrimination précise de ce crime. En l'état, il existe déjà des critères permettant de distinguer la disparition forcée des autres formes de disparition, a ajouté la délégation.
La délégation a souligné que le rapport initial du pays, soumis en 2021, n'intégrait pas toutes les évolutions survenues au Bénin depuis lors, s'agissant notamment de la création en janvier 2025 du registre numérique des privations de liberté. Registre des détentions au niveau national, il se distingue du registre d'écrou des établissements de détention. Le registre centralise toutes les dénonciations et signalements. Il permet de prendre en compte les absences, les disparitions et d'autres formes de privation de liberté, y compris les enlèvements pour mariage, a expliqué la délégation.
Pour pouvoir suivre les justiciables dans toute la chaîne pénale, les autorités ont pour objectif final de créer un registre électronique unique, qui recense tous les actes de justice et qui permette de garantir la traçabilité des personnes s'agissant de leur arrestation, placement en garde à vue, détention et libération, a-t-il été indiqué.
La délégation a d'autre part indiqué que les enquêtes [pour disparition forcée] sont systématiques et automatiques puisque la disparition forcée est une infraction pénale, et que l'obligation de poursuivre est imposée par la loi. La loi oblige la police à agir en cas de dénonciation de disparition forcée, lorsque les circonstances montrent que la disparition n'est pas une simple absence ou que la personne n'est pas détenue par la police - ce que le registre national dont il a déjà été question permet de savoir, a souligné la délégation.
La personne qui est à la disposition de la police pour les besoins de son enquête bénéficie de toutes les garanties, en particulier pour ce qui est de l'accès à son avocat, a par ailleurs rappelé la délégation. Il n'y a pas de cas dans lesquels l'autorité dépositaire de la force publique aurait caché le fait qu'elle détiendrait une personne, a-t-elle assuré.
Toute personne qui fait l'objet de poursuites pénales a accès à un avocat, peut demander un examen médical et prévenir un proche, entre autres garanties procédurales, a insisté la délégation. Le droit des justiciables à l'assistance d'un avocat est codifié au Bénin depuis 2012, a-t-elle précisé.
Répondant aux questions des experts concernant les règles de la garde à vue, la délégation a notamment indiqué que passé un délai de 48 heures les intéressés [personnes placées en garde à vue] devaient être présentés à la justice, laquelle est seule habilitée à décider, s'il y a lieu, de la prolongation du délai de la garde à vue qui, dans tous les cas, ne peut excéder huit jours. La Constitution elle-même traite, en son article 18, de la question de la garde à vue, a ajouté la délégation.
Quant à la mise à l'isolement de détenus, elle peut être prononcée pour, notamment, des raisons de santé ou de sécurité, sous le contrôle du magistrat compétent, a indiqué la délégation. La Commission des droits de l'homme, qui fait partie de la commission chargée de contrôler les sanctions dans les établissements pénitentiaires, attire l'attention des autorités dans les cas où les délais lui semblent dépassés, a-t-elle souligné. La Commission veille aussi à ce que le droit des prisonniers de recevoir des visites soit bien respecté.
Outre les organes de la République, toute personne physique ou morale à laquelle les traités internationaux ratifiés par le Bénin donnent le droit de visiter les lieux de détention est autorisée à le faire, ce qui inclut certaines organisations de la société civile agréées par les autorités.
Les sanctions susceptibles d'être prises à l'encontre de fonctionnaires comprennent notamment la mise à pied à titre conservatoire, en attendant d'autres poursuites le cas échéant, a fait savoir la délégation. Le fonctionnaire auteur d'une disparition forcée, ou d'une infraction en général, peut faire l'objet d'une sanction administrative ou, le cas échéant, du dispositif judiciaire.
Une personne qui fait l'objet d'une enquête n'y participe pas, a ajouté la délégation. Ainsi, le magistrat écartera un policier soupçonné de l'enquête qui le concerne et l'enquête sera confiée à une autre unité ou à l'autorité d'inspection de la police.
Dans le dispositif de la coopération judiciaire avec des États tiers, l'extradition est exclue lorsque la personne concernée court un risque de disparition forcée dans le pays de destination, a par ailleurs indiqué la délégation. La délégation a ajouté que le principe de non-refoulement [énoncé à l'article 16 de la Convention] était consacré par la loi et plusieurs règlements. Tout refoulement peut faire l'objet d'un recours suspensif et toute extradition doit être validée par le Conseil des Ministres, a-t-elle précisé.
S'agissant de violations des droits de l'homme dans le cadre du processus électoral en 2019, à aucun moment l'État, en veillant à l'ordre public, n'a empêché l'accès aux personnes arrêtées ni n'a nié avoir placé des personnes en détention, a déclaré la délégation. Toutes les garanties procédurales ont été accordées à ces personnes, a-t-elle assuré. Après la demande de la Cour africaine, le Ministère de la justice a fait les vérifications qui s'imposaient, a-t-elle ajouté.
La loi d'amnistie n'a pas empêché, s'agissant de poursuites contre la police judiciaire, que les poursuites soient menées à leur terme, a affirmé la délégation. Ces poursuites ne sont pas dans l'ordre de la disparition forcée, a-t-elle déclaré.
S'agissant des cas de Steve Amoussou et Hugues Comlan Sossoukpè, la délégation a précisé que, dans l'un des cas, une décision judiciaire claire a établi qu'aucune autorité publique ou policière n'a été mêlée à ces faits ; dans l'autre cas, il s'est agi d'une remise de police à police dans le cadre d'une procédure judiciaire. S'agissant de ces deux cas, les lois ont été entièrement respectées, avec accès à un avocat, par exemple, et les conditions de la disparition forcée ne sont pas remplies, a assuré la délégation.
Pour éviter les représailles, les personnes qui intimideraient ou menaceraient des sources d'information dans le cadre de l'application de la loi sont poursuivies, a fait savoir la délégation. Il existe aussi un dispositif de protection des personnes contre les représailles dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, a-t-elle également précisé.
En cas de disparition, le Bénin intervient très rapidement auprès d'Interpol (notices jaune et orange) et n'hésite pas à mettre en marche le mécanisme international de coopération policière afin d'identifier la personne disparue, a indiqué la délégation. Seuls les services nationaux d'application de la loi - le Ministère de la justice, s'agissant du Bénin - peuvent activer le Système d'information policière pour l'Afrique de l'Ouest, a-t-il été précisé.
La délégation a insisté sur la volonté des autorités béninoises de mettre fin à l'impunité des auteurs de traite des êtres humains. Un arsenal juridique a été adopté pour protéger les enfants et les adultes qui en sont victimes, de même que pour prévenir la menace de traite, a-t-elle souligné.
La délégation a par la suite mentionné des actions de formation et de sensibilisation du secteur du tourisme et des élus communaux en matière de prévention de la traite des êtres humains. Non seulement le Gouvernement a renforcé le contrôle aux frontières pour détecter d'éventuels cas de traite, mais il agit aussi par le biais financier pour frapper les groupes criminels au niveau de leurs revenus, a-t-elle en outre indiqué. Le Ministère des affaires sociales s'efforce de remédier, par des subventions, aux causes profondes de la traite, a ajouté la délégation.
La participation des mineurs aux forces armées ou aux groupes armés est interdite par la loi béninoise, a par ailleurs souligné la délégation. La loi permet d'assimiler le recrutement forcé d'enfants par des groupes armés à la traite des êtres humains, voire à un crime contre l'humanité, et de le poursuivre à ce titre, a-t-elle ajouté.
Les autorités comptent sur la pratique du « renseignement communautaire » pour avoir plus d'informations sur le respect des droits des mineurs et assurer leur protection contre certains comportements, a par ailleurs expliqué la délégation.
L'adoption plénière, en principe irrévocable, peut faire l'objet d'une révision en cas de fraude, a d'autre part indiqué la délégation. Elle a dit ne pas avoir connaissance de cas de disparition forcée au sens de la Convention, y compris en ce qui concerne les enfants.
Le Bénin mène l'opération Mirador de lutte contre les infiltrations terroristes dans le nord-est du pays (à la frontière du Nigéria, du Niger et non pas du Togo mais du Burkina Faso, a précisé la délégation). Quelque neuf cents kilomètres séparent cette zone de la base de la brigade criminelle chargée de la lutte antiterroriste : dans certaines situations très exceptionnelles, le manque de moyens roulants a entraîné une prolongation du délai de garde à vue pour pouvoir assurer la translation des personnes soupçonnées ; des moyens supplémentaires sont consacrés à améliorer cette dimension, a-t-il été précisé.
Le Gouvernement n'a pas, à ce jour, reçu de signalement précis de rapt ou d'enlèvement dans le contexte terroriste, a ensuite indiqué la délégation.
Un autre problème sécuritaire est à imputer à des conflits fonciers entre communautés. Enfin, la police judiciaire est amenée à traiter d'enlèvements à des fins de mariages, a ajouté la délégation.
Les organisations non gouvernementales participent au processus d'élaboration des lois béninoises et aucune limite à la liberté d'expression n'est à signaler au Bénin, a assuré la délégation.
Remarques de conclusion
M. DETCHENOU s'est dit convaincu que les recommandations du Comité aideraient son pays à mieux appliquer la Convention. Il a insisté sur l'exigence historique et mémorielle que représente pour le Bénin, au-delà de la seule dimension juridique, l'application de la Convention.
M. OLIVIER DE FROUVILLE, Vice-Président du Comité, a estimé que ce dialogue constituait une étape importante dans la coopération entre l'État partie et le Comité.
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CED25.010F