11/04/2025 | Press release | Distributed by Public on 11/04/2025 11:30
Alors que le rédacteur en chef de la chaîne Télé1, Merdan Yanardag, est détenu depuis dix jours pour "espionnage", la nouvelle de la confirmation par la Cour constitutionnelle turque de l'injustice de sa précédente détention de mai 2023 pour "propagande d'une organisation terroriste" est tombée. Il est, aujourd'hui, poursuivi en justice pour la quatrième fois en cinq ans. Reporters sans frontières (RSF) appelle à libérer le journaliste immédiatement et à mettre un terme définitif au harcèlement judiciaire qui vise à le réduire au silence.
Les détentions se suivent et se ressemblent pour Merdan Yanardag. Pourtant la Cour constitutionnelle a accordé 166 500 livres turques (environ 3 400 euros) de dommages-intérêts au rédacteur en chef de la chaîne Télé1, Merdan Yanardag, pour sa détention injustifiéedu 27 juin au 4 octobre 2023, après la diffusion sur sa chaîne de télévision de sa critique de la gestion du pouvoir de la question kurde. Dans sa décision du 27 mai dernier rendue publique ce lundi 3 novembre, la plus haute instance judiciaire turque a estimé que le journaliste n'avait "pas fait l'éloge des méthodes d'une organisation terroriste"et que la mesure d'emprisonnement avait violé "son droit à la sécurité et à la liberté".
Mais une fois encore, c'est le droit à la liberté de ce journaliste aux 42 ans d'expérience qui est bafoué depuis le 24 octobre dernier, lorsqu'il a été placé en garde à vue à la direction de sécurité d'Istanbul puis au parquet d'Istanbul. Le journaliste a été incarcéré à la prison de Marmara d'Istanbul deux jours plus tard pour "espionnage", dans le cadre d'une enquête visant le maire métropolitain d'Istanbul Ekrem Imamoglu, (principal rival du président Recep Tayyip Erdogan) et son directeur de campagne Necati Ozkan. Il s'agit du quatrième procès qui vise le journaliste en cinq ans.
Le jour de l'opération, un juge a également placé la société mère de sa chaîne (ABC Radio Television and Digital Broadcasting Inc), sous le contrôle du Fonds d'assurance des dépôts d'épargne (TMSF), en tant qu'administrateur judiciaire. Une décision qui menace l'indépendance éditoriale de cette chaîne et qui a entraîné la démission de dizaines d'employés de la chaîne qui refusaient de travailler sous la direction d'un administrateur proche du pouvoir.
"L'accumulation des poursuites contre Merdan Yanardag pour des charges absurdes et visant clairement sa couverture journalistique indépendante, les sanctions et mesures prises contre sa chaîne et la décision de la Cour constitutionnelle confirmant l'injustice de sa précédente détention révèlent l'ampleur du harcèlement judiciaire de la part des autorités pour tenter de le faire taire, ainsi que sa chaîne. Les autorités judiciaires doivent mettre un terme définitif à cette persécution judiciaire et libérer Merdan Yanardag."
Un calvaire judiciaire sans fin
RSF, qui suit ses procès, est témoin du calvaire judiciaire du journaliste. Il a notamment été accusé de "dénigrement de l'État" pour un éditorial du 23 mai 2021 intitulé "Mafialisation de l'ordre" dans le quotidien BirGün("Jour") - mettant en cause la connivence du pouvoir avec les cercles mafieux. Après une condamnation en première instance à sept mois et 15 jours de prison, il a finalement été relaxé le 25 septembre dernier. Il a également été poursuivi pour "insulte envers le président" - charge récurrente pour museler les médias- en raison de son éditorial de 2022 intitulé "Le fascisme et le fascisme islamiste", mais a été relaxé le 14 novembre 2023. En raison des interventions télévisées de Merdan Yanardag évoquant le gouvernement, son média Télé1 a lui aussi été la cible de sanctions à de fortes amendes de la part du Conseil supérieur de l'audiovisuel (RTÜK).
Le cas de Merdan Yanardag n'est pas isolé : depuis le début de l'année, 20 journalistes ont été incarcérés en Turquie en raison de leur travail - dont trois sont toujours détenus - et trois autres ont fait l'objet d'assignation à résidence. La Turquie est classée 159e sur 180 pays et territoires dans le Classement mondial de la liberté de la presse2025 de RSF.