IMF - International Monetary Fund

10/03/2025 | Press release | Archived content

Une bonne stratégie (et de la chance) ont aidé les pays émergents à mieux résister aux chocs

Les pays émergents ont remarquablement bien résisté ces dernières années, même après des périodes de turbulences financières mondiales. Si des conditions extérieures favorables (autrement dit, de la chance) ont souvent aidé, il est évident qu'il est important de suivre une bonne stratégie.

Souvent, les pays émergents ont particulièrement souffert des épisodes d'aversion pour le risque, durant lesquels les investisseurs mondiaux ont vendu systématiquement leurs actifs les plus risqués. Ces épisodes ont provoqué des sorties massives de capitaux et un durcissement des conditions financières, qui ont fait plonger les monnaies et bondir l'inflation.

Ce tableau a considérablement changé depuis peu. De nombreux pays émergents ont surmonté les revirements de l'appétence mondiale pour le risque mieux que par le passé. Ils ont connu moins de sorties de capitaux, ont davantage maîtrisé le coût des emprunts, leur croissance a été plus constante et l'inflation plus faible.

L'amélioration des cadres d'action - une politique monétaire crédible, des banques centrales plus indépendantes et une politique budgétaire plus transparente - a joué un rôle important, comme nous le montrons dans un chapitre de la dernière édition des Perspectives de l'économie mondiale . Notre analyse compare des épisodes d'aversion pour le risque représentatifs avant et après la crise financière mondiale, et conclut qu'une amélioration des cadres d'action a contribué à réduire les pertes de production et à faire baisser l'inflation.

Elle en outre renforcé la confiance des investisseurs. Les marchés obligataires en monnaie locale se sont développés dans de nombreux pays émergents, ce qui a contribué à accroître la résilience financière et aidé à réduire non seulement l'asymétrie des monnaies, mais aussi le risque de sorties soudaines de capitaux.

Des risques persistent pourtant : les conditions extérieures peuvent se dégrader rapidement, les chocs mondiaux récents ont érodé l'espace budgétaire, la flambée d'inflation qui a suivi la pandémie a fait monter les anticipations inflationnistes et des pressions politiques pourraient ébranler une crédibilité péniblement obtenue.

De plus, la présence de règles budgétaire n'a pas empêché l'accumulation de dettes dans de nombreux pays émergents, en grande partie à cause d'un respect limité de ces règles. Résultat : la structure des dettes et les vulnérabilités face aux chocs mondiaux peuvent différer selon les pays, comme nous le montrons dans le dernier Rapport sur la stabilité financière dans le monde .

Amélioration des cadres

Notre analyse montre que la mise en œuvre de la politique monétaire s'est améliorée et que la crédibilité des banques centrales s'est renforcée. Autrefois, de nombreux pays émergents hésitaient à laisser leur taux de change fluctuer librement. Mais depuis que les anticipations d'inflation sont mieux ancrées et que la réglementation macroprudentielle est plus stricte, les pays laissent de plus en plus leur taux de change amortir les chocs, et les banques centrales pourraient se recentrer sur la stabilisation de l'activité économique.

Dans le même temps, les banques centrales ont renforcé leur indépendance, à la fois vis-à-vis de la domination de la politique budgétaire (lorsque la politique monétaire devait répondre aux besoins budgétaires) et vis-à-vis de la politique monétaire des États-Unis qui déterminait les conditions des emprunts intérieurs. Ceci signifie que les pays peuvent désormais moins recourir à des interventions coûteuses sur le marché des changes.

Les pays émergents ont également sensiblement amélioré leurs cadres budgétaires, ce qui a permis aux autorités de réagir plus efficacement à une demande insuffisante. Ceci a aidé à stabiliser les économies durant les ralentissements mondiaux, et à réagir plus vigoureusement dès qu'une hausse de la dette et des taux d'intérêt présentait un risque.

Si l'on compare les épisodes d'aversion pour le risque avant et après la crise financière mondiale, on constate que la production économique était plus élevée de 1 point de pourcentage qu'elle ne l'aurait été autrement, l'amélioration des cadres expliquant légèrement plus de 0,5 point de pourcentage, et les conditions extérieures favorables le reste. L'inflation était inférieure de 0,6 point de pourcentage grâce aux politiques plus efficaces.

Résilience financière et risques

Dans ce cas également, le renforcement des politiques économiques a été utile.

Les grands marchés émergents dotés de cadres d'action solides et dont l'épargne intérieure augmente ont pu faire davantage appel à l'émission de dette en monnaie nationale et à la forte demande des investisseurs nationaux, en particulier les institutions financières non bancaires. C'est pourquoi la part de la dette émise en monnaie locale et détenue par des investisseurs étrangers a chuté pour atteindre des niveaux jamais atteints depuis plusieurs années dans de nombreux pays.

Une plus grande partie de la dette en monnaie locale étant détenue par des investisseurs nationaux, la dette des pays émergents est moins sensible aux chocs mondiaux, selon une nouvelle analyse du Rapport sur la stabilité financière dans le monde . Pour cette même raison, le rendement des obligations augmente moins que dans un scénario d'aversion pour le risque.

L'effet stabilisateur des investisseurs nationaux sur le rendement des obligations semble s'appliquer particulièrement aux banques. Notre analyse montre qu'un épisode d'aversion pour le risque est associé à une hausse de 19 points de base des écarts de rendement en monnaie locale, mais qu'une hausse d'un écart-type de la détention de la dette par des banques nationales atténue cet effet et le ramène à 11 points de base. Il peut être également utile, dans certaines circonstances, que davantage de dette soit détenue par des institutions financières non bancaires nationales.

Mais la stabilité et la résilience financières n'ont pas été partagées également. Les petits pays émergents et les pays préémergents ont dû faire appel à des sources de financement plus coûteuses et moins stables, par exemple une dette intérieure à court terme et des émissions internationales d'obligations en dollar des États-Unis. Des efforts visant à développer davantage les marchés obligataires en monnaie locale dans un éventail plus vaste de pays contribueraient à renforcer la résilience.

En outre, une part accrue de la dette détenue par des investisseurs nationaux n'est pas sans risque. Dans les pays où l'épargne est faible, la base d'investisseurs étroite et l'infrastructure du marché financier médiocre, une détention excessive de dette souveraine peut provoquer des problèmes. Ainsi, si les banques détiennent un volume important de dette souveraine, cela peut réduire leur capacité à prêter au secteur privé, ce qui freine alors la croissance économique. En outre, les faillites souveraines peuvent causer de grosses pertes au secteur bancaire, et aboutir à des sauvetages de banques onéreux et difficiles.

Un engagement constant

Même si les exemples récents ont été encourageants, les marchés émergents continueront d'être mis à l'épreuve car l'incertitude demeure élevée. Les progrès ont été inégaux dans les différents pays, et dans certains, l'espace budgétaire est tendu.

Les pays doivent en priorité s'employer à améliorer la mise en œuvre et la crédibilité de leurs cadres d'action, préserver l'indépendance de leur banque centrale et rétablir leur capacité de dépense pour en disposer en cas de besoin (par exemple lors d'un ralentissement de l'économie). Les activités du FMI de développement des capacités peuvent également favoriser le développement des marchés obligataires en monnaie locale.

S'ils poursuivent les réformes et consolident leur assise, les pays émergents peuvent transformer une résilience péniblement obtenue en une stabilité durable.

- Ce billet est basé sur le chapitre 2 des Perspectives de l'économie mondiale d'octobre 2025 « Résilience des pays émergents : chance ou stratégie ? » et sur le chapitre 3 du Rapport sur la stabilité financière dans le monde « Chocs mondiaux, marchés nationaux : l'évolution du paysage de la dette souveraine des pays émergents ».

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