RSF - Reporters sans frontières

11/10/2025 | Press release | Distributed by Public on 11/10/2025 04:36

Réélection de Paul Biya au Cameroun : il a promis le respect de la liberté de la presse, l’heure est à sa mise en œuvre

Malgré la contestation des résultats de l'élection présidentielle, avec des manifestations réprimées dans le sang dans plusieurs grandes villes du pays, Paul Biya a prêté serment le 6 novembre, marquant le début effectif de son huitième mandat présidentiel. Reporters sans frontières (RSF) l'invite à transformer ses promesses de campagne en actes et lui propose un programme pour la liberté de la presse en dix engagements afin que le Cameroun ne demeure pas l'un des pays les plus dangereux d'Afrique pour les journalistes.

"Après plus de quarante ans au pouvoir au Cameroun, le président Paul Biya vient d'être réélu au grand dam de la liberté de la presse. Risques d'assassinat de journalistes, lois liberticides encadrant la profession, sévère contrôle de l'information, impunité, censure… Les conditions de travail des journalistes sont particulièrement difficiles et les chantiers d'amélioration nombreux au Cameroun. Nous appelons le président réélu Paul Biya à respecter son engagement de campagne et à prendre en compte, lors de ce huitième mandat, nos dix recommandations afin d'améliorer l'exercice du journalisme dans le pays, pour que les professionnels de l'information puissent enfin effectuer leur métier sans crainte de représailles.

Sadibou Marong
Directeur du bureau Afrique subsaharienne de RSF

C'était une promesse de campagne de Paul Biya : "Je renforcerai les mesures de protection de la liberté d'expression et des journalistes."Le chantier est immense tant les entraves au droit à l'information et les mesures de répression des reporters sont légion au Cameroun.

Après avoir dressé un bilan alarmantdes 42 ans de régime Biya, et parce qu'aucun programme n'a encore été dévoilé sur cette promesse de rompre avec des années de répression, RSF formule dix recommandations concrètes pour que la liberté de la presse soit plus qu'une promesse au Cameroun, classé à la 131e place au Classement mondial de la liberté de la presse2025.

1. Garantir un environnement libre et sûr aux journalistes en assurant leur sécurité

Les journalistes sont régulièrement exposés : violences verbales et physiques, menaces, arrestations, détentions arbitraires, enlèvements, assassinats… Le président doit s'engager à protéger les journalistes contre ces atteintes qui mettent en péril leur travail, en mettant en place des mesures de sécurité adaptées, notamment en amont de manifestations et dans les zones de conflit, et en formant les forces de l'ordre au respect de la liberté de la presse.

2. Supprimer les peines privatives de liberté pour les délits de presse

La diffamation, l'injure et l'outrage à une autorité, la publication de fausses nouvelles et l'atteinte à la sûreté de l'État sont autant d'infractions liées à la presse qui sont actuellement de nature pénale et passibles de peines de prison. Il est temps de les supprimer et de garantir qu'aucun journaliste ne sera privé de sa liberté pour avoir exercé son métier.

3. Mettre un terme à l'utilisation de lois répressives pour poursuivre les journalistes

Depuis son entrée en vigueur, la loi antiterroriste de 2014 a été utilisée de manière récurrente pour poursuivre des journalistes critiques devant des tribunaux militaires, notamment ceux qui écrivent sur la gestion de la crise anglophone au Cameroun. Le président doit s'engager à ce qu'aucun journaliste ne soit désormais poursuivi ou condamné sur la base de la loi antiterroriste.

4. Modifier les textes régissant le fonctionnement du Conseil national de la communication (CNC) pour en faire une réelle entité indépendante

L'intégralité des membres du Conseil national de la communication (CNC), l'organe de régulation des médias, sont nommés par décret présidentiel, ce qui remet en question l'indépendance de l'organe. Le CNC doit intégrer des journalistes dans le processus de nomination de ses membres afin qu'il devienne un organe autonome. Sa composition pourrait être à parité.

5. Garantir l'impartialité de la Radiotélévision publique camerounaise (CRTV)

La CRTVfonctionne actuellement comme un média d'État au service de la communication du régime. Son directeur général est nommé par décret présidentiel et son financement n'est pas transparent. Afin d'assurer son indépendance et son service à l'intérêt général, le mode de fonctionnement de la CRTVdoit être réformé. Un Conseil de l'audiovisuel public, chargé de la supervision stratégique de la CRTV, pourrait être mis en place.

6. Garantir un accès équitable à l'information publique pour les journalistes

L'accès à l'information pour les journalistes n'est pas garanti au Cameroun. RSF recommande que le gouvernement adopte une loi sur l'accès à l'information publique, obligeant les administrations à répondre aux demandes des journalistes et à rendre leurs documents plus accessibles.

7. Apporter un soutien public transparent et impartial aux entreprises de presse publiques et privées

Les journalistes camerounais, notamment ceux de médias privés, travaillent dans des conditions de précarité extrême, nuisant à leur indépendance. Afin d'assurer la viabilité et l'indépendance des médias privés et publics, RSF recommande de redistribuer de manière transparente et équitable l'aide à la presse, qui doit être augmentée.

8. Libérer Amadou Vamoulké

L'ancien directeur de la CRTV Amadou Vamoulkéest détenu arbitrairementdepuis neuf ans. Il a été condamnéà deux peines de prison, de 20 et 12 ans, sur la base d'accusations sans fondement ni preuve tangible de "détournements de fonds publics" au profit du média qu'il a dirigé pendant 11 ans. Le journaliste de 75 ans, reconnu par ses pairs pour son intégrité, souffred'au moins six pathologies nécessitant des soins médicaux avancés. Le libérer et lui permettre de retrouver ses proches enverrait un signal fort à la presse.

9. S'engager à lutter contre l'impunité des actes de violence envers les journalistes

Le degré d'impunité pour les auteurs d'actes de violence - jusqu'au meurtre - envers les journalistes reste fort dans le pays. L'enquête suivant le meurtredu journaliste Anye Nde Nsoh, tué par balle le 7 mai 2023 à Bamenda, dans le nord-ouest du pays, est au point mort, et aucun responsable n'a été condamné. Pas de responsable condamné non plus et aucun rapport d'enquête rendu public pour la mort du journaliste de Chillen Music Television(CMTV) Samuel Wazizi, arrêté le 2 août 2019 à Buea, capitale de la région anglophone du sud-ouest du pays, et mort en détentiondans des circonstances troubles. Le président doit ordonner des enquêtes impartiales sur tous les crimes commis contre les journalistes afin que les auteurs soient traduits en justice.

10. Garantir que l'enquête ouverte après le meurtre de Martinez Zogo soit menée de manière impartiale

L'enquête ouverte après le meurtre odieux du journaliste Martinez Zogo- que RSF considère comme un crime d'État- en janvier 2023 doit être menée à son terme de manière transparente, impartiale et sans interférence, alors même que l'affaire impliqueplusieurs membres des services de renseignement camerounais.

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Publié le10.11.2025
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