11/14/2025 | Press release | Distributed by Public on 11/14/2025 13:30
Forte hausse des séances convoquées dans l'urgence ou à l'improviste, retard sans précédent dans l'attribution des présidences et vice-présidences des organes subsidiaires, exercice du droit de veto, participation des non-membres… Le Conseil de sécurité a réfléchi, ce matin, aux « difficultés » ayant touché ses méthodes de travail en 2025, telles que détaillées par la note de cadrage transmise par le Groupe de travail informel sur la documentation et les autres questions de procédure du Conseil. La réforme du Conseil de sécurité et la sélection de la prochaine ou du prochain Secrétaire général ont également été évoquées.
Première oratrice à s'exprimer, Mme Loraine Sivers, Directrice de Security Council Procedure, a évoqué les « tensions » découlant du fait qu'un État non membre n'a pas été invité à participer à un débat du Conseil alors qu'il aurait dû l'être, ainsi que les « plaintes » formulées lorsqu'un non-membre a été invité à participer, nonobstant les objections d'un membre ou même d'un non-membre. Selon l'article 37 du Règlement intérieur provisoire du Conseil, tout Membre des Nations Unies qui n'est pas membre du Conseil peut être convié à participer à une discussion dès lors que les intérêts de ce Membre sont particulièrement affectés.
Il est difficile d'interpréter cette notion « d'intérêts particulièrement affectés », bien que la proximité géographique soit un élément important, a dit Mme Sivers. Quand une partie à une situation est conviée à une réunion, il est entendu que toute autre partie doit également l'être. « Il est positif que le Groupe de travail informel veuille développer une pratique plus cohérente sur ce point. » Elle a aussi évoqué la question des éléments visuels de plus en plus souvent brandis en réunion publique. « Sans apparenter ce Conseil à un tribunal, tout élément visuel doit venir étayer une argumentation factuelle, non pas verser dans le mélodrame. »
De son côté, Mme Shamala Kandiah Thompson, Directrice exécutive du Security Council Report (SCR), a abordé la nomination des présidents et vice-présidents des organes subsidiaires du Conseil. Celle de 2025 a en effet dû être reportée, les Quinze n'ayant pas réussi à se mettre d'accord avant le 1er octobre, date qui avait été avancée.
Pour ce qui est des formats de réunions informelles, Mme Thomson a rappelé que l'article 48 du Règlement intérieur provisoire du Conseil dispose que, « sauf décision contraire, le Conseil siège en public ». Cette disposition confère au Conseil une grande latitude pour instaurer des formats de réunions informelles lorsque cela s'avère nécessaire, a-t-elle observé, citant en exemple l'apparition en 1982 des réunions de type Arria. Elle a proposé d'utiliser le format du « dialogue interactif informel » plus régulièrement pour les entretiens à huis clos avec les gouvernements accueillant des missions de l'ONU ou avec les parties concernées.
La France a appelé à trouver le bon équilibre entre diplomatie publique et travail à huis clos afin d'adapter le format de la discussion à l'objectif recherché. « Si les réunions publiques sont utiles car elles permettent la transparence sur les travaux du Conseil, il est indispensable que nous préservions des temps d'échanges à huis clos pour favoriser un dialogue franc et direct entre membres du Conseil et aboutir ainsi à des résultats concrets. »
Face à la multiplication des crises, le Conseil ne peut se contenter d'être bavard, a tranché la France. Elle a estimé que la maîtrise du temps de parole ou la limitation du nombre de débats ouverts sont des mesures utiles pour optimiser les ressources et le temps du Conseil.
S'agissant du processus de sélection du prochain Secrétaire général, elle a noté que les membres du Conseil négocient actuellement la lettre conjointe du Président du Conseil et de la Présidente de l'Assemblée générale, qui devrait définir les orientations relatives à la nomination des candidats. Si le calendrier est respecté, cette lettre conjointe sera publiée d'ici à la fin de l'année, a-t-elle précisé. « Le processus de sélection pour un poste aussi important devrait être basé exclusivement sur les compétences avec un large éventail de candidats et candidates », ont tenu à souligner les États-Unis.
Le Danemark, qui Copréside le Groupe de travail informel, a fait observer que ce processus de sélection relève essentiellement des méthodes de travail. La Charte des Nations Unies n'y consacre que 17 mots, a-t-il ajouté avant d'appeler le Conseil à « agir avec détermination et fonctionner de manière transparente, inclusive et digne de la confiance de l'ensemble des membres ».
Même son de cloche du côté de la France qui a appelé le Conseil à ne pas perdre son caractère décisionnel et opérationnel. « Cela fait bientôt quatre ans que la Russie viole les principes de notre Charte en menant une guerre d'agression contre l'Ukraine, le Conseil n'ayant pas été en mesure d'arrêter cette guerre. » Nous devons donc œuvrer sans relâche à rendre le Conseil plus efficace et davantage tourné vers l'action et les résultats, a tranché la France.
Le Royaume-Uni a également formé le vœu d'un Conseil davantage axé sur la prise de décision et la recherche de compromis par le biais de discussions constructives. En tant que porte-plume « responsable et efficace », la délégation a souligné son engagement à prendre en compte les vues des pays concernés. « Cela inclut, chaque fois que possible, le coparrainage de textes comme nous l'avons fait avec les membres africains du Conseil sur la Libye et le Soudan. » La Fédération de Russie s'est, elle, montrée très critique, en fustigeant la domination des pays occidentaux s'agissant de la rédaction des textes.
Ces pays ignorent les positions des États concernés, des acteurs régionaux et parfois même du Secrétariat et se posent volontiers en « mentors », a fustigé la Russie. Elle a appelé à élargir le cercle des porte-plumes potentiels au profit des membres non permanents notamment africains. Dans ce droit fil, intervenant au nom des 10 membres élus du Conseil de sécurité (E10), le représentant du Pakistan a appelé à une participation plus significative et efficace des E10 à la rédaction des documents de l'organe.
« Les porte-plume et coporte-plume doivent consulter de manière informelle les pays directement concernés ou spécifiquement affectés et prendre pleinement en considération leurs points de vue. » Il leur incombe également de veiller à ce que la rédaction de tous les documents soit effectuée de manière inclusive et respectueuse, a tranché la délégation. « Les porte-plume doivent faire preuve d'objectivité et d'impartialité lors du processus de rédaction et de négociation, et privilégier la recherche du consensus et la promotion de l'unité du Conseil. »
La Chine a également plaidé en faveur de consultations sur un pied d'égalité et d'une recherche de consensus. Ces dernières années, a déploré la délégation, le nombre de résultats consensuels a fortement chuté et plusieurs projets de résolution ont fait l'objet d'un vote, sapant leur poids politique. Face à cette tendance négative, la Chine a invité les rédacteurs à travailler en toute transparence. Soucieux de l'amélioration de l'efficacité du Conseil, le délégué chinois jugé que l'Initiative ONU80 est « une occasion à saisir » afin que ce dernier se concentre davantage sur son mandat.
Au-delà de la question des méthodes de travail, la France a appelé à l'élargissement du Conseil dans les deux catégories de membres, chacune dotée des prérogatives afférentes et avec « une attention particulière au continent africain. » Le Pakistan a, lui, souligné « la nécessité urgente » d'une réforme globale du Conseil par le biais du processus de négociations intergouvernementales mandaté par l'Assemblée générale, afin de le rendre plus efficace, efficient, représentatif, inclusif, transparent, responsable et démocratique. « Il est impératif de réparer l'injustice historique subie par l'Afrique. »
Afin de surmonter les blocages du Conseil, la France, appuyée par le Pakistan, a souhaité que les membres permanents fassent un « usage raisonné » du veto. Elle a appelé à rejoindre l'initiative qu'elle porte depuis 2015 avec le Mexique et qui propose la suspension volontaire et collective du veto en cas d'atrocités de masse. « Cette initiative est désormais soutenue par 107 États. » Le Pakistan a constaté que, ces derniers mois, le Conseil n'a pas pu adopter de résolutions importantes en raison de ce recours.
La Chine a, elle, défendu l'exercice du droit de veto, rappelant que c'est « une soupape de sécurité créée par la Charte ». Constatant toutefois que certains pays en ont fait une « utilisation abusive » ces dernières années, notamment sur Gaza, ce qui a conduit à entraver l'action du Conseil, elle a enjoint ceux qui en disposent d'assumer leurs responsabilités « en tant que puissances » et d'exercer ce droit « prudemment, dans le respect du droit international, de l'équité et de la justice ». Enfin, la Russie a rappelé que la réforme du Conseil doit rester la prérogative exclusive de ses membres.
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