11/04/2025 | Press release | Distributed by Public on 11/04/2025 10:34
On trouvera, ci-après, le texte de l'allocution du Secrétaire général de l'ONU, M. António Guterres, prononcée à l'occasion du deuxième Sommet mondial pour le développement social, à Doha, aujourd'hui:
Le premier Sommet mondial pour le développement social, qui a eu lieu à Copenhague en 1995, a été marqué par la clarté morale. Il nous a rappelé que le véritable développement ne consiste pas à assurer la prospérité de quelques personnes. Il s'agit d'offrir au plus grand nombre des possibilités qui sont ancrées dans la justice sociale, le plein emploi et la dignité humaine.
Depuis ce premier Sommet, nous avons accompli des progrès extraordinaires. Plus d'un milliard de personnes sont sorties de l'extrême pauvreté. Le taux de chômage mondial n'a pratiquement jamais été aussi faible. L'accès aux soins de santé, à l'éducation et à la protection sociale a été considérablement élargi. L'espérance de vie a augmenté tandis que la mortalité infantile et maternelle a diminué. De plus en plus de filles sont aujourd'hui scolarisées et les taux d'obtention de diplômes augmentent pour tous les élèves.
Ces accomplissements sont le fruit des efforts déployés. Des efforts déployés par les gouvernements pour investir dans des systèmes qui font progresser les personnes au lieu de les laisser de côté. Des efforts déployés par les organisations internationales et les partenaires de la société civile pour favoriser le développement des populations dans le monde entier. Des efforts déployés par les entreprises pour que leurs pratiques étayent le développement social et la justice sociale, et ne les effacent pas. Et des efforts déployés par les donateurs pour aider les pays à investir dans leur population, leur infrastructure et leur économie.
Toutefois, ce deuxième Sommet mondial pour le développement social s'ouvre alors que l'actualité est marquée par une grande incertitude mondiale, de divisions, des conflits et des souffrances humaines généralisées. Les populations subissent toujours la faim, la pauvreté, les déplacements et le chômage. Les pays en développement ne reçoivent pas le soutien dont ils ont besoin. Nous n'agissons pas assez vite pour atténuer la volatilité et la destruction pure et simple provoquées par le réchauffement de la planète. Et nous ne sommes pas à la hauteur des objectifs de développement durable.
La Déclaration politique de Doha représente un catalyseur pour le développement. Au fond, la Déclaration est un plan conçu pour les peuples. Pour la concrétiser, il faut agir dans quatre domaines.
Premièrement, un plan conçu pour les peuples signifie qu'il nous faut intensifier la lutte contre la pauvreté et l'inégalité. Il est inadmissible que près de 700 millions de personnes vivent encore dans l'extrême pauvreté, alors que les 1% les plus riches détiennent près de la moitié de la richesse mondiale. Il est inacceptable que des millions de personnes souffrent de la faim chaque jour ou meurent chaque année de maladies évitables - une situation aggravée par les coupes budgétaires incessantes dans l'aide internationale. Il est intolérable que près de 4 milliards de personnes n'aient accès à aucune forme de protection sociale. La lutte contre la pauvreté nécessite des investissements et des stratégies ciblés, menés par les pays et portant sur tous les systèmes dont les populations ont besoin. Des systèmes alimentaires capables de fournir à toutes et à tous des aliments abordables, nutritifs et produits de manière durable. Des systèmes de santé accessibles à toutes et à tous, qui peuvent fournir des soins et des médicaments à chaque personne, quel que soit son lieu de résidence ou son niveau de revenu. Des systèmes d'approvisionnement en eau et d'assainissement, qui distribuent de l'eau propre à toutes et à tous. Des logements de qualité convenable, à un prix abordable. Des systèmes énergétiques propres, fiables et accessibles à toutes et à tous, qui favorisent le développement et l'emploi. Des systèmes éducatifs capables d'offrir à chaque enfant et à chaque jeune un enseignement et des compétences de qualité, grâce à des enseignants bien formés et soutenus. Des systèmes de protection sociale universels qui peuvent aider les personnes lorsqu'elles en ont besoin. Et enfin, des données fiables, solides et ventilées qui nous permettront de suivre nos progrès. Le progrès dépend également des investissements réalisés pour l'avenir de notre planète. Les gouvernements doivent arriver à la COP30 au Brésil, avec des plans concrets leur permettant de réduire leurs propres émissions tout en aidant les pays en développement à faire de même grâce à des fonds. La révolution des énergies propres signifie qu'il est possible de réduire les émissions tout en assurant la croissance économique. Mais les pays en développement ne disposent toujours pas des financements et des technologies nécessaires pour soutenir ces transitions. Au Brésil, les États membres doivent élaborer un plan crédible permettant de mobiliser, d'ici à 2035, 1 300 milliards de dollars par an en faveur du financement de l'action climatique dans les pays en développement. Les pays développés doivent honorer l'engagement qu'ils ont pris de doubler le financement de l'adaptation, pour le porter, a minima, à 40 milliards de dollars cette année. Et d'importantes contributions doivent être versées au Fonds pour les pertes et préjudices.
Deuxièmement, un plan conçu pour les peuples doit être axé sur la création d'emplois et l'emploi. Dans chaque pays, les gouvernements et le secteur privé doivent unir leurs forces pour promouvoir un travail décent, un salaire vital et des solutions permettant aux travailleurs de passer de l'économie informelle à des emplois dans l'économie verte, l'économie numérique et l'économie des services à la personne. Il est tout aussi essentiel d'investir dans la formation, la formation professionnelle et l'apprentissage tout au long de la vie. Comme le préconise le Pacte numérique mondial adopté l'année dernière, les pays devraient s'attacher à réduire la fracture numérique, à parvenir à une desserte numérique universelle et à faire en sorte que toutes et tous puissent acquérir des compétences en matière de technologies numériques et d'intelligence artificielle. Pour créer et maintenir des emplois, les pays doivent aussi diversifier leurs économies et renforcer la transformation et l'innovation locales afin de générer de la valeur ajoutée et d'être compétitifs sur le marché mondial. Tout effort de création d'emplois doit aussi garantir l'égalité d'accès des femmes à l'emploi, tout en renforçant le soutien au secteur des services à la personne. Tout au long du processus, nous devons renforcer la protection des travailleurs, afin que les profits ne se fassent jamais au détriment de leurs droits.
Troisièmement, un plan conçu pour les peuples nécessite un financement. Lors de la Conférence sur le financement du développement qui s'est tenue à Séville au mois de juin, les dirigeants se sont mis d'accord pour dégager davantage de fonds en faveur des pays en développement. Les gouvernements doivent montrer la voie en mobilisant les ressources nationales. Nous devons aussi tripler la capacité de prêt des banques multilatérales de développement afin qu'elles gagnent en envergure et en audace, mobiliser davantage le financement privé, et alléger le fardeau de la dette grâce à la mise en place de nouveaux instruments qui permettront de réduire les coûts d'emprunt et les risques associés et d'accélérer le soutien aux pays en situation de surendettement. L'architecture financière internationale doit être réformée afin d'être davantage en adéquation avec le monde d'aujourd'hui et les besoins des pays en développement. Les pays en développement ont besoin d'une plus grande place à la table de décision des institutions financières mondiales et méritent qu'elle leur soit faite. La gouvernance économique mondiale doit devenir plus inclusive, plus représentative, plus équitable et plus efficace.
Enfin, un plan conçu pour les peuples doit les rassembler, non les diviser. Trop de personnes sont laissées de côté - notamment les femmes, les minorités, les migrants et les réfugiés, les personnes âgées, les peuples autochtones, les personnes handicapées et les jeunes. Beaucoup subissent des préjugés, des menaces, des mauvais traitements et même des actes de violence manifestes - que ce soit dans leurs foyers, sur leur lieu de travail, dans la rue ou en ligne. Les gouvernements doivent défendre et protéger les valeurs démocratiques, en veillant à ce que les voix de toutes les personnes - y compris les plus vulnérables, quels que soient leur âge et leur parcours - soient entendues. Ils doivent continuer de lever les obstacles à la participation des femmes - depuis les conseils d'administration des entreprises jusqu'aux sphères du pouvoir politique - et d'éliminer toutes les formes de discrimination et de violence fondée sur le genre. Ils doivent s'efforcer de bâtir de sociétés libres de toute mésinformation, désinformation et discours de haine. En tout temps et en tout lieu, les droits humains resteront notre boussole et nous montreront la voie vers la justice et un avenir meilleur pour tout le monde. Ce Sommet est placé sous le signe de l'espoir - un espoir porté par l'action collective. Il s'agit de mobiliser la volonté politique et les ressources financières nécessaires à la poursuite du voyage que nous avons entamé ensemble il y a 30 ans à Copenhague. Guidés par la Déclaration de Doha, faisons aboutir ce plan audacieux que l'humanité réclame et mérite.
Je vous remercie.