12/16/2025 | Press release | Distributed by Public on 12/17/2025 02:38
En l'espace de 15 jours, le site d'information StreetPress a été visé par trois nouvelles plaintes, portant à 13 le nombre de procédures en cours contre le média indépendant. Reporters sans frontières (RSF) dénonce des procédures-bâillons et appelle le législateur à transposer, dans le droit français, la directive européenne sur les "poursuites stratégiques altérant le débat public" (dite "anti-SLAPP") pour que cessent enfin ces poursuites judiciaires abusives.
Une enquêtesur le groupuscule d'extrême droite Vengeance Patriote, une autresur les pratiques de policiers de Saint-Ouen, ou encore le portraitd'un candidat Rassemblement national en Lozère aux élections législatives françaises de 2024… Leur point commun ? Tous ces articles journalistiques, publiés sur le site du média d'information en ligne StreetPress, font l'objet de poursuites en justice. Au total, 13 procédures judiciaires - 12 pour diffamation et une pour atteinte à la vie privée - sont en cours depuis le début de l'année 2024. Dix d'entre elles ont été initiées par des structures ou des personnalités affiliées à l'extrême droite, mouvement politique sur lequel StreetPressa produit de nombreuses enquêtes. Selon les informations recueillies par RSF, sur la seule année 2024, StreetPress, qui compte 20 journalistes, a été contrainte de consacrer 51 000 euros à ses frais juridiques.
Ces procédures, que RSF a pu consulter, présentent les caractéristiques propres aux procédures-bâillons - appelées également SLAPP, du nom en anglais Strategic Litigation Against Public Participation- soit : des tentatives d'exploitation de déséquilibre de pouvoir, d'avantages financiers ou encore d'une influence politique ou sociale pour faire pression sur le défendeur le caractère disproportionné, excessif ou déraisonnable de la demande en justice formulée par le demandeur, etc.
"Plus de la moitié de la rédaction de StreetPress a, à ce jour, une procédure judiciaire sur le dos. Ces procès, qui mobilisent énormément de temps, d'énergie et d'argent, s'apparentent à des procédures-bâillons. Certaines procédures, visiblement bâclées, semblent davantage relever d'un acharnement judiciaire visant à faire taire le journal que de poursuites sur des fondements légitimes. Il ne s'agit pas ici de gagner une procédure, mais d'épuiser celui ou celle qui révèle des informations d'intérêt public. Au-delà du cas de StreetPress, nous alertons sur la multiplication des procédures judiciaires abusives contre des médias et le contournement du droit de la presse en France. Il est donc urgent que le législateur transpose la directive européenne anti-SLAPP dans le droit français afin de mettre un terme à l'utilisation de ces procédures-bâillons. Il en va du droit à l'information des citoyens.
Les plaintes visant StreetPressse multiplient depuis mi-novembre 2025. Le 29 novembre, StreetPressa reçu une citation directe devant le tribunal correctionnel de Versailles, déposée par le directeur de publication du média Frontières, Erik Tegnér. Cette saisine pour diffamation, consultée par RSF, vise notamment un articleen date du 22 octobre 2025, qui relate plusieurs propos d'Erik Tegnér tenus à l'antenne de la chaîne d'information en continu CNews, le 16 octobre, qui visaient la présidente de l'Assemblée nationale, Yaël Braun-Pivet. Quelques jours après, deux nouvelles plaintes ont été déposées contre le média, dont une pour diffamation, par un maire du sud-ouest de la France, après la publication de révélationssur plusieurs actes islamophobes qui ont touché sa commune après son élection.
Cette série de poursuites contre StreetPresss'inscrit dans la lignée de procédures-bâillons, en France et plus largement en Europe. Certaines méthodes employées dans le procès intenté par l'acteur Gérard Depardieu contre la société de production Hikari et France Télévisions - à la suite de révélations le concernant diffusées lors d'une émission de Complément d'enquête - sont constitutives d'atteintes avérées et potentielles à la liberté de la presse, ce qui s'apparente à une procédure-bâillonqui vise à épuiser les prévenus.
RSF en appelle de nouveau au législateur pour transposer en urgence, dans le droit français, la directive européenne anti-SLAPP, adoptée le 11 avril 2024, incluant une définition large des poursuites-bâillons et couvrant aussi bien les affaires pénales que civiles. Le texte doit être transposé dans le droit français d'ici au 7 mai 2026.