Des sage-femmes formées, des vies transformées au Mali

Bamako - « J'avais honte de parler de contraception, car c'est un sujet encore tabou dans certains milieux de chez nous. Je ne voulais pas être jugée ou que les gens du quartier parlent de moi », raconte Kadidia, 19 ans, élève à Bamako.

Comme Kadidia, des milliers de jeunes femmes au Mali font face à des barrières sociales, culturelles et structurelles dans l'accès aux services de santé sexuelle et reproductive. En 2024, le pays a enregistré 583 décès maternels, dont 89 chez les adolescentes de 15 à 19 ans. Les risques liés aux grossesses précoces et non désirées demeurent élevés. Les chiffres traduisent une amélioration, mais aussi l'ampleur du travail à poursuivre : le pays comptait près de 4,8 millions de femmes en âge de procréer en 2024, et 559 493 jeunes femmes et adolescentes ont eu accès aux méthodes contraceptives modernes, contre 480 682 en 2023.

Offrir aux jeunes femmes des services de santé reproductive adaptés et accessibles est un levier fondamental pour leur sécurité et leur avenir. En leur permettant de faire des choix éclairés sur leur corps et leur santé, ces services contribuent à réduire les grossesses non désirées à travers la contraception, à prévenir les infections sexuellement transmissibles, et à améliorer leur bien-être physique et mental. Dans un contexte où les tabous persistent et où les risques sont élevés, garantir ces droits devient une priorité de santé publique.

Face à cette réalité, l'Organisation mondiale de la Santé (OMS), avec l'appui d'un grand donateur, accompagne le gouvernement malien dans la mise en œuvre d'un programme ambitieux visant à améliorer les droits et l'accès aux soins en santé sexuelle et reproductive L'appui de l'Organisation inclut le renforcement du cadre juridique, l'amélioration des compétences des prestataires de santé, la fourniture d'équipements médicaux, la création de cliniques adaptées aux besoins des jeunes, ainsi que la production de données fiables pour orienter les politiques publiques.

« Ce programme est intégré dans notre plan stratégique et vise à garantir les droits en matière de soins, notamment pour les jeunes et adolescents. Nous avons pu former des magistrats sur les nouvelles directives de l'OMS, mettre en œuvre un observatoire national de la santé, et renforcer le système de surveillance des décès maternels », explique le Dr N'Tji Keita, Chef du Département santé de la mère et de l'enfant à l'Office National de la Santé de la Reproduction.

L'OMS ne se limite pas à l'appui technique. Elle joue un rôle de catalyseur dans la coordination et la supervision des activités. Grâce à son soutien, le Mali dispose désormais de son premier bulletin national sur les indicateurs de santé sexuelle et reproductive, ainsi que des Comptes nationaux de la santé 2022. Ces outils permettent une meilleure analyse des performances et orientent les décisions stratégiques.

« Nous avons appuyé la mise en place d'une clinique Mère-Enfant-Adolescent à Sikasso, qui offrira des services intégrés de planification familiale et de prise en charge des violences basées sur le genre. Une équipe mobile est également prête à intervenir dans la zone humanitaire de Macina. Ces initiatives visent à rapprocher les services des populations les plus vulnérables », explique le Dr Sylla Ousmane, responsable du Programme santé sexuelle et reproductive au bureau de l'OMS au Mali.

Les sages-femmes, formées et engagées, sont au cœur du dispositif qui transforme la santé des jeunes filles. Leur formation continue a permis d'améliorer significativement la qualité des soins offerts à cette couche de la population. Aïssata, sage-femme au centre de santé communautaire de Kebila, témoigne. « J'ai reçu plusieurs formations sur la consultation prénatale recentrée, la planification familiale, la prise en charge des IST/VIH/sida, et la prescription médicale. Ceci a amélioré ma prestation et m'a permis d'accueillir les jeunes femmes sans jugement », affirme-t-elle avec fierté.

Assetou, sage-femme mentor à Yanfolila, à environ 160 kilomètres au sud de Bamako, confirme : « Ces formations ont apporté un grand changement à ma manière de travailler, notamment en matière d'écoute, de disponibilité et de respect du consentement ». De 2019 à 2025, le nombre de jeunes et adolescents ayant bénéficié des services de santé sexuelle et reproductive dans son centre a plus que doublé, passant de 2 330 à 5 121.

Ces améliorations ne se mesurent pas seulement en chiffres, mais aussi dans les attitudes et les comportements. Grâce aux campagnes de sensibilisation dans les écoles, aux émissions radiophoniques sur la sexualité, et à la formation des prestataires à l'écoute et au respect du consentement, les jeunes filles osent désormais franchir les portes des centres de santé. Le dialogue s'ouvre, les tabous reculent et la confiance s'installe peu à peu.

Pour Kadidia, cette transformation est tangible. Elle se souvient de sa première visite au centre de santé : « La dame qui m'a reçue m'a mise en confiance, elle m'a écoutée sans me juger et m'a bien conseillée. Je peux dire que ce service contribue à notre bien-être. Je veux dire aux jeunes filles : n'ayez pas peur, allez chercher les conseils, ils sont là pour nous aider », conclut-elle avec confiance.