10/29/2025 | News release | Distributed by Public on 10/30/2025 08:43
Sous la coupole de l'Assemblée générale, mercredi, le directeur général de l'Agence internationale de l'énergie atomique (AIEA), Rafael Grossi, a dressé un tableau sans détour des menaces pesant sur le régime mondial de non-prolifération nucléaire.
Des centrales ukrainiennes en zone de guerre aux questions en suspens sur les activités iraniennes, en passant par la reprise prudente des inspections en Syrie, « les risques nucléaires se multiplient comme jamais auparavant », a-t-il averti, en présentant le rapport annuel de l'agence pour 2024.
« Nous devons savoir exactement quelle est la situation concernant les matières et les activités nucléaires », a insisté M. Grossi, soulignant que la confiance - une fois perdue - « met en péril la paix et la sécurité internationales ».
Après plusieurs mois de tensions, l'AIEA tente de renouer avec Téhéran des relations que M. Grossi juge « indispensables ». L'agence, a-t-il rappelé, « travaille avec un engagement total pour rétablir un dialogue » sur les régimes d'inspection et l'enrichissement d'uranium, conditions préalables à tout apaisement diplomatique.
« La question des inspections avance en Iran », a-t-il confirmé, tout en concédant « qu'il reste encore du chemin à parcourir » avant un rétablissement complet des activités de vérification et de suivi.
Le directeur général a évoqué l'accord technique conclu au Caire en juillet avec le ministre iranien des affaires étrangères, Abbas Araghchi, sous les auspices du président égyptien Abdel Fattah Al-Sissi. Ce texte, a-t-il rappelé, doit permettre le retour des inspecteurs de l'AIEA, qui ont quitté le pays après les attaques israéliennes et américaines contre des sites nucléaires iraniens au mois de juin. « Il nous appartient désormais - à l'Iran comme à nous-mêmes - de poursuivre nos efforts », a-t-il ajouté, appelant à préserver l'intégrité d'un régime de non-prolifération « dans une région qui a déjà connu trop de souffrances ».
L'AIEA tente aussi de refermer un chapitre sensible du passé nucléaire syrien. De retour de Damas, M. Grossi a rapporté avoir eu des « échanges positifs » avec les autorités de Bachar Al-Assad et a annoncé que l'agence est en train de « rétablir son travail d'inspection » sur le terrain.
L'objectif : éclaircir les zones d'ombre liées aux activités antérieures du pays et permettre à la Syrie de bénéficier, à terme, des usages pacifiques de l'énergie atomique.
« Une coopération réussie pourrait contribuer à réintégrer la Syrie de manière positive et constructive dans la communauté internationale », a-t-il déclaré.
En Ukraine, le spectre d'un accident nucléaire
Depuis le déclenchement de la guerre, la centrale de Zaporijjia, la plus grande d'Europe, demeure sous haute surveillance de l'AIEA.
M. Grossi a rappelé que les équipes de l'agence maintiennent une présence permanente sur le site malgré les risques : « L'alimentation électrique externe a été interrompue », a-t-il indiqué, soulignant que ces coupures répétées exposent les systèmes de refroidissement des réacteurs à un danger extrême.
Grâce à la médiation de l'agence entre Kiev et Moscou, « une situation très dangereuse a pu être corrigée », mais les conditions dans cette installation occupée par les forces russes restent, selon lui, « précaires ».
Au-delà des crises régionales, le chef de l'AIEA a exhorté les États à réaffirmer leur attachement au Traité sur la non-prolifération des armes nucléaires (TNP), qualifié de « pilier de stabilité et de prévisibilité dans un monde qui en a cruellement besoin ».
Le régime de non-prolifération, a-t-il rappelé, traverse une période de tensions inédites, tandis que certaines puissances « en règle avec leurs obligations » évoquent désormais la possibilité d'acquérir l'arme atomique.
Mais le directeur général s'est voulu aussi porteur d'espoir : la croissance des usages pacifiques du nucléaire constitue, selon lui, une réponse aux défis du siècle. L'agence s'emploie à en garantir la sûreté tout en élargissant l'accès à la technologie.
L'AIEA multiplie ainsi les initiatives : formation des femmes scientifiques à travers les programmes Marie Skłodowska-Curie et Lise Meitner, lutte contre le cancer avec Rays of Hope, amélioration de la sécurité alimentaire avec Atoms4Food, ou encore dépollution marine grâce à NUTEC Plastics.
Face aux crises, M. Grossi a plaidé pour « un optimisme courageux » : « Le futur n'est pas assombri. Nous devons saisir les opportunités, souligner ce qui va bien et inspirer l'espoir », a-t-il lancé, concluant que « l'AIEA continuera à relever les défis mondiaux et à servir l'humanité, activement et avec un engagement à la hauteur de notre noble cause ».